À quoi ça sert Radio-Canada ?
Plus la télévision se mondialise, plus la télévision « publique » est remise en question. Le 4 mars, les Suisses décideront par référendum s’ils souhaitent continuer de verser la redevance qui finance leur société de radio et télévision. Au début de décembre, lors d’une conversation avec ses députés, le président Emmanuel Macron aurait déclaré que « l’audiovisuel public est une honte pour nos concitoyens ».
Je me demande si la CBC et la SRC survivraient à un référendum sur leur existence ? Même à un vote libre du Parlement. Il y a 15 ou 20 ans, j’aurais répondu oui sans hésiter. Aujourd’hui, j’en suis moins sûr. Pour justifier son existence et réclamer plus d’argent, Radio-Canada ne cesse d’affirmer qu’elle coûte moins cher par tête de pipe que France Télévisions ou la BBC.
C’est comparer des pommes et des oranges. Les deux grandes télévisions européennes offrent plus de chaînes et de services que Radio-Canada et n’ont pas le même accès au marché publicitaire.
LES DÉFAUTS D’UNE TÉLÉ PUBLIQUE
Dans sa livraison du vendredi 2 février, le Figaro magazine publiait un long article intitulé « Faut-il en finir avec la télévision publique ? ». Dans ce dossier, les auteurs détaillent les reproches les plus courants que font les élus et le public à France Télévisions. On croirait lire un diagnostic sur Radio-Canada. D’entrée de jeu, le Figaro maga
zine décrète que la télé publique est « trop coûteuse, trop commerciale et trop politisée », qu’elle est contestée dans son organisation et sa gouvernance, enfin, qu’elle croule sous les critiques.
La transparence sur les chiffres, quels qu’ils soient, ne fait partie de l’ADN ni de France Télévisions ni de Radio-Canada. Combien coûtent les programmes, les nombreuses délégations à l’étranger et les voyages qui se multiplient, quels sont les cachets des vedettes, etc., etc. ? Mystère et boule de gomme !
UN GOUVERNEMENT AMORPHE
On ne blâme pas tant la direction pour la dérive de France Télévisions que le gouvernement lui-même, incapable de définir un mandat clair pour sa télé publique. Dans la plupart des cas, les programmes ne correspondent plus à leur mission première qui est « d’informer, de divertir et de cultiver ». C’est aussi vrai pour la SRC. J’invite mes lecteurs à lire sur internet le mandat que donne à Radio-Canada la Loi sur la radiodiffusion : www.cbc.radio-canada.ca/fr/decouvrez/mandat. Ils pourront alors juger de la dérive de notre télévision.
Les Français déplorent que la culture fasse figure de parent pauvre à France Télévisions, mais la direction, comme celle de la SRC, estime que l’offre culturelle est suffisante. Même si l’auditoire se plaint de la confusion des genres entre l’information et le divertissement, on continue de privilégier les concepts hybrides. Là-bas comme ici.
IL FAUT UN CHANGEMENT DE CAP
À force de multiplier les jeux, les émissions de divertissement et les fictions bas de gamme, abandonnant à ses chaînes payantes les fictions de qualité, les grandes émissions d’information et de débats, Radio-Canada se tire dans le pied, car les contenus étrangers sont de plus en plus accessibles. La chaîne principale de la SRC, qui devrait être son fer de lance, ne nous apporte plus rien que nous n’avons déjà à la télévision privée.
À moins d’un changement de cap radical, on se demandera bientôt comme en Suisse : à quoi ça sert la télévision ?