Locataires expulsés en plein hiver
La Ville de Montréal leur donne 21 jours pour quitter leur bloc à appartements jugé insalubre et dangereux
Des Montréalais craignent de se retrouver à la rue après que la Ville ait ordonné l’évacuation complète de leur immeuble pour insalubrité à trois semaines de préavis.
« J’attends une place en logement social depuis quatre ans… Je suis malade, je me suis cassé un genou récemment et maintenant, je risque de me retrouver sans abri au milieu de l’hiver », déplore Steven Latimer, rencontré devant le bloc du quartier PointeSaint-Charles où il habite depuis 15 ans.
L’homme d’une cinquantaine d’années a appris vendredi qu’il devra trouver un nouvel appartement, faire ses boîtes et déménager d’ici quelques jours, une situation qui le rend anxieux.
La Direction de l’habitation de la Ville de Montréal a fait parvenir des lettres à la quinzaine de locataires du 2520-2530, rue du Centre, vendredi dernier, pour les aviser qu’ils devaient quitter avant midi le 22 février, sans quoi ils seraient évacués de force.
IMPROPRE À L’HABITATION
« Lors d’une vérification le 19 décembre 2017, nous avons constaté que le logement dans lequel vous résidez est impropre à l’habitation. Cette situation peut porter atteinte à votre santé et à votre sécurité […] », indique-t-on dans le document adressé aux occupants, sans donner plus de détails.
L’immeuble de trois étages comporte 10 logements, dont un est inhabité, selon la locataire Giulia Giorgi. Un restaurant indien et un salon de coiffure occupent les locaux au rez-de-chaussée.
Lors du passage du Journal, des sacs de poubelles remplis traînaient dans certains corridors où flottait une odeur d’humidité. Plusieurs murs étaient fissurés et des sachets de drogues et des mégots de cigarettes jonchaient le sol près d’une sortie.
Mme Giorgio, qui habite l’endroit avec un colocataire depuis trois ans, se dit choquée par le court délai accordé par la Ville pour évacuer.
« On aurait aimé avoir deux ou trois mois pour se préparer. Nous, on travaille, on doit mettre toutes nos choses dans des boîtes. C’est beaucoup d’ouvrage en trois semaines, sans compter le stress de trouver un nouvel appartement », dit-elle.
SOUTIEN
La femme de 48 ans déplore n’avoir aucun soutien de la Ville pour l’aider à déménager, mis à part un numéro de téléphone à l’Office municipal d’habitation de Montréal.
« Ils m’ont sorti une liste d’appartements disponibles, mais la plupart sont à Montréal-Nord, Hochelaga-Maisonneuve ou même Longueuil et sont plus chers. Le loyer est 600 $ pour un 5 1/2 ici. On ne va jamais retrouver cela ailleurs », poursuit-elle.
Mis à part la présence occasionnelle de coquerelles et quelques dégâts d’eau dans sa chambre au troisième, Mme Giorgio dit ne pas avoir eu d’autres problèmes.
Sa voisine, Samina Saboohi, habite le bloc depuis 22 ans et paie environ 500 $ pour son 4 1/2. Elle refuse de quitter l’endroit.
« Je ne comprends pas que la Ville m’ait permis de vivre ici aussi longtemps si c’est si dangereux pour ma sécurité », lance-t-elle.
« J’ATTENDS UNE PLACE EN LOGEMENT SOCIAL DEPUIS QUATRE ANS. [...] MAINTENANT, JE RISQUE DE ME RETROUVER SANS ABRI AU MILIEU DE L’HIVER » – Steven Latimer, locataire expulsé