L’UPAC chasse les sources journalistiques depuis 2016
Des enquêtes ont été ouvertes sur des fuites de documents dès avril de cette année
L’Unité permanente anticorruption traque des sources journalistiques qui seraient à l’origine de nombreux reportages dans les médias depuis près de deux ans.
Cette chasse aux auteurs allégués de « fuites d’informations policières » s’est ouverte bien avant que le patron de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), Robert Lafrenière, ait promis de trouver le « bandit » qui a coulé des documents à notre Bureau d’enquête, en mai 2017, ou clamé « qu’aucun journaliste n’a fait l’objet d’une surveillance quelconque » de ses troupes, en novembre 2016.
C’est ce qui émane d’une déclaration assermentée d’un enquêteur de l’UPAC dans l’affaire Guy Ouellette et d’informations confirmées au Journal de Montréal par des sources policières.
DEMANDES À LA SQ
Cet affidavit du sergent Jean-Frédérick Gagnon, dont le juge Serge Champoux a autorisé la publication partielle hier, a servi à obtenir des mandats de perquisition le 25 octobre dernier, le jour de l’arrestation du député Ouellette.
On y révèle que, dès le 22 avril 2016, « une enquête est ouverte par la Direction des normes professionnelles de la Sûreté du Québec (SQ) relativement aux fuites » de dossiers de l’UPAC qui auraient alimenté un reportage à Radio-Canada et des articles dans L’Actualité.
C’est à la demande de l’UPAC que la SQ a ouvert cette enquête, assurent nos sources, puisque ce détail n’est pas précisé dans l’affidavit.
SURPLACE
L’enquête faisait du surplace quand le gouvernement a mis sur pied la commission Chamberland sur la protection des sources journalistiques, en novembre 2016, après que plusieurs journalistes eurent été espionnés par certains corps policiers.
Puis, le printemps dernier, notre Bureau d’enquête a publié des reportages qui, selon M. Gagnon, évoquaient des documents du projet Mâchurer sur le financement au Parti libéral du Québec, où l’ex-premier ministre Jean Charest et l’ex-argentier du PLQ Marc Bibeau « sont des sujets visés » par l’UPAC.
Le 25 avril 2017, le commissaire Lafrenière ordonnait une enquête sur ces fuites de « documents confidentiels ». Il a de nouveau demandé à la SQ, alors dirigée par son gendre, de s’en charger. Cette fois, Martin Prud’homme a refusé.
NUMÉROS DES JOURNALISTES
Les enquêteurs de l’UPAC et de cinq corps policiers ciblent quatre suspects : Guy Ouellette, l’ex-policier Richard Despatie, le policier Stéphane Bonhomme et Lino Zambito, un témoin-vedette à la commission Charbonneau qui collabore à plusieurs enquêtes de l’UPAC.
Leurs registres téléphoniques remontant à 2015 ont été remis aux enquêteurs sous l’ordre du tribunal. Nul besoin de demander la permission d’un juge pour savoir si les suspects avaient contacté des journalistes.
« J’ai obtenu d’Anne-Frédérick Laurence [directrice des communications à l’UPAC] la liste des numéros de téléphone des journalistes avec qui elle traite dans l’exercice de ses fonctions », explique le sergent Gagnon.
Les enquêteurs disent avoir effectué une « analyse croisée des registres téléphoniques », mais les résultats demeurent secrets.