Les médailles politiques
Plus vite, plus haut, plus fort. Faudrait-il ajouter « plus politique » à la célèbre devise olympique de Pierre de Coubertin ? Car si les Jeux olympiques ont toujours été traversés par la politique, les Jeux d’hiver de Pyeongchang sont en train d’atteindre des sommets rarement vus de manoeuvres politiques.
Le grand champion de cette manipulation est le dirigeant de la Corée du Nord, Kim Jung-un. Déjà, avant même que les Jeux commencent, sa parade militaire et ses négociations pour la participation aux Jeux d’athlètes nord-coréens ont volé la vedette de ce qui devrait être une grande fête.
1 Pourquoi les Jeux olympiques sont-ils toujours politiques ?
L’aspect politique des Jeux modernes a toujours été présent, ne serait-ce que parce que les athlètes concourent par pays. Mais l’aspect propagandiste politique des Jeux est devenu complètement démesuré. Depuis des décennies, chaque nouvelle édition des Jeux est plus grandiose et plus spectaculaire que la précédente. Pour la plus grande gloire du pays hôte.
2 Que redoutent les Sud-Coréens ?
Beaucoup de Sud-Coréens redoutent que les Jeux de Pyeongchang soient pris en otage par le gouvernement nord-coréen. Déjà, ces Jeux ne sont plus totalement sud-coréens, même si le gouvernement nord-coréen n’a pas investi un sou dans leur préparation. L’image des athlètes des deux Corées qui vont défiler ensemble dans le stade sous le même drapeau est excellente pour la Corée du Nord, qui ne peut qu’en recueillir un certain capital de sympathie à travers le monde. C’est une occasion inespérée pour un pays que les Américains s’apprêtent peut-être à attaquer.
3 Comment les dirigeants nord-coréens vont-ils tirer avantage des Jeux ?
Plusieurs hauts dignitaires nord-coréens se sont invités aux Jeux, en particulier la soeur de Kim Jung-un, Kim Yo-jong. On ne sait pas grand-chose d’elle, étant donné le secret qui entoure le régime nord-coréen. On croit qu’elle est une très proche conseillère de Kim Jungun et qu’elle est probablement responsable de la propagande. Kim Yo-jong va certainement croiser plusieurs hauts dirigeants du monde entier, à commencer par Mike Pence, le vice-président américain. Les Jeux olympiques constituent donc une occasion en or pour le gouvernement nord-coréen de nouer des relations diplomatiques formelles et informelles qui seraient autrement difficiles à tisser.
4 Les relations entre les deux Corées seront-elles affectées ?
Kim Yo-jong va d’ailleurs déjeuner demain avec le président de la Corée du Sud. Or, le président sud-coréen est bien connu pour son pacifisme. Cette première rencontre à un si haut niveau entre les dirigeants de deux pays ennemis est spectaculaire. Les diplomates sud-coréens tentent de rassurer les dirigeants américains en leur disant que la participation nord-coréenne aux Jeux de Pyeongchang n’efface pas la coopération entre les États-Unis et la Corée du Sud. Tout de même, on tire moins facilement sur un ennemi avec lequel on a mangé la veille.
5 Les plans des États-Unis seront-ils modifiés ?
Les Jeux de Pyeongchang pourraient représenter un moment charnière de l’histoire. Le moment où dans la péninsule coréenne le tapis glisse sous les pieds des Américains. Il ne faudrait pas s’étonner qu’à l’occasion des Jeux, les deux Corées annoncent le début de négociations pour la normalisation et ultimement de l’unification des deux pays. Les États-Unis auraient alors bien du mal à embarquer la Corée du Sud dans une guerre contre la Corée du Nord. Si on tenait un tableau des médailles politiques pour les Jeux de Pyeongchang, la Corée du Nord gagnerait peut-être la première place.