Benoît McGinnis tire son épingle du jeu
Réussir à transmettre sans prothèse, masque ou maquillage toute la laideur et la répugnance d’un homme difforme marqué par un visage boursouflé de protubérances est le tour de force qu’accomplit le comédien Benoît McGinnis dans la pièce L’homme éléphant.
Présentée au Théâtre du Rideau Vert, cette production mise en scène par Jean Leclerc reprend l’oeuvre des années 1970 du dramaturge américain Bernard Pomerance. Il s’était inspiré de la vraie vie de Joseph Merrick, un Britannique appelé « l’homme éléphant » qui a vécu comme une bête de cirque à la fin du 19e siècle en Angleterre avant d’être secouru par un médecin, Frederick Treves.
Le tronc toujours déformé, la respiration haletante, la parole lourde et la main droite pesante, Benoît McGinnis entre corps et âme dans Joseph Merrick. Il convainc ainsi le spectateur de tout le poids que cet homme porte. Une charge liée aussi bien à son état physique qu’aux regards de dégoût qu’il suscite.
Il est bien entouré par David Boutin qui joue avec justesse le médecin, par Germain Houde qui donne de l’énergie et du relief aux deux personnages qu’il incarne, l’impresario véreux et l’évêque, ainsi que par l’excellente Sylvie Drapeau se glissant dans la peau d’une actrice qui devient l’amie de cet homme affligé par la nature.
MANQUE D’ÉMOTION
Malgré cette solide distribution, la pièce manque d’émotion, ce qui est surprenant compte tenu de ce qu’a enduré le principal protagoniste. La succession de scènes plutôt rapides au début lui donne du rythme, mais puisque l’homme éléphant parle peu, le spectateur demeure détaché. On comprend que sa vie doit être infernale, mais on n’entre pas en lui. En fait, Joseph Merrick s’efface au profit des autres personnages.
Lorsqu’on le découvre vraiment, il est devenu un homme serein, hébergé dans un hôpital de Londres. Le premier moment vraiment touchant survient lorsqu’il évoque à son protecteur sa jeunesse dans un hospice, où il était régulièrement battu.
À la toute fin, le désarroi du médecin face à la société qui l’entoure et son impuissance à la changer offrent une charge émotive, mais il s’agit d’un moment trop rare dans l’ensemble. L’homme-éléphant, jusqu’au 3 mars au Théâtre du Rideau Vert.