Le Journal de Montreal

Benoît McGinnis tire son épingle du jeu

Réussir à transmettr­e sans prothèse, masque ou maquillage toute la laideur et la répugnance d’un homme difforme marqué par un visage boursouflé de protubéran­ces est le tour de force qu’accomplit le comédien Benoît McGinnis dans la pièce L’homme éléphant.

- EMMANUEL MARTINEZ

Présentée au Théâtre du Rideau Vert, cette production mise en scène par Jean Leclerc reprend l’oeuvre des années 1970 du dramaturge américain Bernard Pomerance. Il s’était inspiré de la vraie vie de Joseph Merrick, un Britanniqu­e appelé « l’homme éléphant » qui a vécu comme une bête de cirque à la fin du 19e siècle en Angleterre avant d’être secouru par un médecin, Frederick Treves.

Le tronc toujours déformé, la respiratio­n haletante, la parole lourde et la main droite pesante, Benoît McGinnis entre corps et âme dans Joseph Merrick. Il convainc ainsi le spectateur de tout le poids que cet homme porte. Une charge liée aussi bien à son état physique qu’aux regards de dégoût qu’il suscite.

Il est bien entouré par David Boutin qui joue avec justesse le médecin, par Germain Houde qui donne de l’énergie et du relief aux deux personnage­s qu’il incarne, l’impresario véreux et l’évêque, ainsi que par l’excellente Sylvie Drapeau se glissant dans la peau d’une actrice qui devient l’amie de cet homme affligé par la nature.

MANQUE D’ÉMOTION

Malgré cette solide distributi­on, la pièce manque d’émotion, ce qui est surprenant compte tenu de ce qu’a enduré le principal protagonis­te. La succession de scènes plutôt rapides au début lui donne du rythme, mais puisque l’homme éléphant parle peu, le spectateur demeure détaché. On comprend que sa vie doit être infernale, mais on n’entre pas en lui. En fait, Joseph Merrick s’efface au profit des autres personnage­s.

Lorsqu’on le découvre vraiment, il est devenu un homme serein, hébergé dans un hôpital de Londres. Le premier moment vraiment touchant survient lorsqu’il évoque à son protecteur sa jeunesse dans un hospice, où il était régulièrem­ent battu.

À la toute fin, le désarroi du médecin face à la société qui l’entoure et son impuissanc­e à la changer offrent une charge émotive, mais il s’agit d’un moment trop rare dans l’ensemble. L’homme-éléphant, jusqu’au 3 mars au Théâtre du Rideau Vert.

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PHOTO COURTOISIE JEAN-FRANÇOIS HAMELIN Benoît McGinnis et David Boutin dans une scène touchante de L’homme éléphant.

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