MONTRÉAL RETOUR SUR L’IMAGE
1916
1 LE SOCIAL CAFÉ DE M. GIBEAULT
Cette scène de 1916 semble tirée tout droit d’un film western. Pourtant, il s’agit bien de travailleurs de la voirie à l’intersection de Notre-Dame Ouest et de l’avenue Atwater, à Saint-Henri. La flaque d’eau sur le pavé laisse deviner une fuite de l’aqueduc. Par cette chaude journée, les hommes se coiffent d’un chapeau pour se protéger du soleil. Il y a tout à parier qu’ils iront se désaltérer en fin de journée au Social Café de M. Oswald Gibeault. En 1916, M. Gibeault possède deux établissements, un premier à Lachine et un deuxième à Saint-Henri. De l’autre côté de la porte à double battant digne d’un saloon du Far West, de la bière et des repas complets attendent les clients en salle à manger. Au comptoir, les cigarettes Sweet Caporal sont en évidence sur les présentoirs. En ces temps de guerre où la menace de la conscription plane, le Café de M. Gibeault procure un moment de répit aux travailleurs qui en ont bien besoin.
2 LA BIÈRE DAWES ET LA GUERRE
Sur les murs, une réclame pour la nouvelle bière Black Horse de la brasserie Dawes attire l’oeil. Pourtant, en ces temps de prohibition et de guerre, il n’est guère aisé d’être propriétaire d’une brasserie. Selon la loi des mesures de guerre, l’alcool, comme ses lieux de fabrication, peut être réquisitionné pour produire de l’acétone, utilisé pour la fabrication des gaz chimiques. Comme les ennemis de la patrie, les Allemands, sont connus pour être de grands brasseurs et buveurs de bière, elle est considérée de facto comme antipatriotique. C’est pourquoi la Königsbier, une lager allemande brassée par la Dawes, est rapidement renommée la Kingsbeer en 1914. Les prohibitionnistes sont heureux de rappeler que l’alcool nuit à la productivité des ouvriers et des soldats. Le gouvernement fédéral interdit finalement la vente d’alcool en mars 1918. Cette mesure est maintenue partout au Canada après la guerre, sauf au Québec, qui décide d’en contrôler la production et la vente.
3 LE 178e, UN BATAILLON CANADIEN-FRANÇAIS
Cette bannière signale sans doute une parade militaire du 178e, l’un des 13 bataillons recrutés au Canada français durant la Première Guerre mondiale. Le conflit meurtrier s’éternisant, le recrutement intensif de volontaires donne de piètres résultats en 1916, laissant présager bientôt l’enrôlement obligatoire. Les affiches de recrutement du 178e bataillon reflètent bien cette tension : « Attendez-vous que les nôtres [églises] brûlent ? Enrôlons-nous et tout de suite. » « Les purs Canayens : Montrons que nous sommes une race fière et loyale. » « Vouloir, c’est pouvoir », tel est la devise de ce bataillon recruté dans les régions de Drummond-Arthabaska et Montréal. Une fois arrivées à Liverpool le 15 mars 1917, les recrues du 178e bataillon rejoignent entre autres le 22e régiment (le « Vandoos » comme le prononcent les Anglais), la seule unité francophone du corps expéditionnaire. Les soldats du 178e s’illustrent lors de la bataille d’Amiens le 8 août 1918, la première victoire qui mène les Alliés à l’Armistice, le 11 novembre 1918.