Le Journal de Montreal

Les décrocheur­s souvent intimidés

Un coup de sonde inédit permet de faire leur portrait et celui des jeunes à risque d’abandonner l’école

- DAPHNÉE DION-VIENS

QUÉBEC | La moitié des décrocheur­s affirment avoir été victimes d’intimidati­on à l’école, révèle un sondage exclusif obtenu par Le Journal.

Ce coup de sonde inédit a été réalisé auprès de 1009 Québécois âgés de 18 à 34 ans qui ont décroché, déjà pensé sérieuseme­nt à abandonner l’école ou raccroché. Pour la firme Léger, qui a réalisé ce portrait, il s’agit d’une première. « Jamais auparavant on n’avait parlé aux jeunes qui ont eu une problémati­que scolaire », affirme son vice-président exécutif, Christian Bourque.

La directrice des Journées de la persévéran­ce scolaire Audrey McKinnon n’est pas surprise par la proportion élevée de jeunes au parcours scolaire difficile qui affirment avoir été victimes d’intimidati­on (52 %).

« Ça confirme ce que dit la recherche. Le phénomène d’intimidati­on a un impact assez important dans le vécu scolaire de la vie d’un enfant », affirme-t-elle.

L’intimidati­on est rarement le seul facteur qui pousse un jeune à décrocher, mais il peut avoir une grande influence. Ce fut le cas pour Joanny Cossette, qui a quitté l’école à 16 ans.

Dès son arrivée au secondaire, la jeune de Lévis s’est fait insulter quotidienn­ement en raison de son surplus de poids. On allait jusqu’à la menacer et la pousser dans des casiers. « Regarde la vache qui passe ». « Boulet de canon ». « Gros avion ». Les insultes étaient quotidienn­es. « Je ne me sentais pas en sécurité. À la longue, ça joue sur le moral », a-t-elle raconté.

PLUS QUE LES RÉSULTATS SCOLAIRES

Parmi les autres raisons qui peuvent amener un jeune à décrocher, 75 % des répondants ont affirmé qu’ils s’ennuyaient à l’école et 51 % ont mentionné qu’il y avait des conflits dans leur famille. « Généraleme­nt, c’est un cumul de plusieurs facteurs qui vont faire en sorte que le jeune va se décourager », souligne Mme McKinnon.

Les résultats scolaires ne représente­nt d’ailleurs qu’une des pièces du casse-tête. Parmi les répondants, 47 % ont mentionné avoir des notes « passables » à l’école. Plus de 22 % des décrocheur­s ont même affirmé que leurs notes étaient « bonnes » ou « très bonnes ». « Les résultats scolaires font partie de l’équation, mais ce n’est pas que ça, le décrochage scolaire », lance M. Bourque. L’appui des parents et des amis joue aussi un rôle déterminan­t.

Parmi les décrocheur­s, près de la moitié ont toutefois été laissés à eux-mêmes au moment d’abandonner l’école : 29 % affirment n’avoir reçu aucune aide et 14 % ne se rappellent pas en avoir eu. Il s’agit d’un chiffre « assez troublant », admet Mme McKinnon, qui amène à « se questionne­r sur notre capacité à les rejoindre ».

Cette dernière précise toutefois qu’il peut aussi arriver qu’un jeune n’aille pas chercher d’aide, même si elle est disponible.

« Souvent, le verbe décrocher se conjugue au singulier, ils vivent ça seuls, ajoute Christian Bourque. Mais du moment où quelqu’un dans l’entourage s’implique ou intervient, les chances de persévérer s’améliorent. »

 ?? PHOTO LE JOURNAL DE QUÉBEC, STEVENS LEBLANC ?? Joanny Cossette, qui a vécu beaucoup d’intimidati­on à l’école secondaire, a décroché à l’âge de 16 ans. Elle a fait un retour aux études l’an dernier à l’école alternativ­e Le Milieu, à Lévis. Elle veut maintenant poursuivre ses études au cégep.
PHOTO LE JOURNAL DE QUÉBEC, STEVENS LEBLANC Joanny Cossette, qui a vécu beaucoup d’intimidati­on à l’école secondaire, a décroché à l’âge de 16 ans. Elle a fait un retour aux études l’an dernier à l’école alternativ­e Le Milieu, à Lévis. Elle veut maintenant poursuivre ses études au cégep.

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