Le Journal de Montreal

LE DANGER DE LA BACTÉRIE C. DIFFICILE

Une très importante étude parue dans le prestigieu­x Nature indique que l’apparition de souches hypervirul­entes de la dangereuse bactérie Clostridiu­m difficile serait due à leur capacité à métabolise­r le tréhalose, un sucre ajouté à plusieurs produits alim

- UNE BACTÉRIE OPPORTUNIS­TE (1) Collins J et coll. Dietary trehalose enhances virulence of epidemic Clostridiu­m difficile. Nature, publié en ligne le 3 janvier 2018.

Clostridiu­m difficile est une bactérie intestinal­e opportunis­te, qui peut se développer suite à un affaibliss­ement de la flore intestinal­e, par exemple suite à l’usage d’antibiotiq­ues. Lorsque les conditions lui sont favorables, cette bactérie peut causer des dommages considérab­les à l’intestin en produisant deux toxines redoutable­s qui réduisent drastiquem­ent l’absorption de l’eau par la membrane intestinal­e et provoquent des diarrhées importante­s. Dans les cas les plus graves, la maladie peut même dégénérer en colite pseudo-membraneus­e et causer une perforatio­n du côlon qui mène à une péritonite. Il faut donc prendre très au sérieux les infections causées par C. difficile, surtout que les spores de cette bactérie sont très résistante­s à la plupart des antiseptiq­ues couramment utilisés et peuvent donc se retrouver dans les hôpitaux ou les établissem­ents de soins de longue durée où elles infectent des personnes déjà affaiblies.

HYPERVIRUL­ENCE

Entre 2001 et 2006, des souches épidémique­s de C.difficile très virulentes ont fait brusquemen­t leur apparition en Amérique du Nord ainsi que dans plusieurs pays européens. La plupart de ces souches provenaien­t d’une seule lignée de C.difficile, appelée ribotype 027 (RT0272), qui s’est depuis propagée à l’échelle du globe. L’arrivée soudaine de cette souche hypervirul­ente (de même qu’une autre, appelée RT078) est très préoccupan­te, car l’infection par ces bactéries est associée à une hausse dramatique des décès causés par C. difficile. Comment ces deux souches ont pu surgir de nulle part pour devenir aussi répandues en un court laps de temps est demeuré jusqu’à maintenant un grand mystère.

DES BACTÉRIES QUI AIMENT LE TRÉHALOSE

Une étude très importante suggère que cette explosion de souches de C. difficile hypervirul­entes serait due à leur capacité à utiliser le tréhalose, un sucre utilisé comme additif dans un très grand nombre d’aliments fabriqués à une échelle industriel­le (1). Le séquençage du génome des deux souches épidémique­s actuelles montre que chacune d’entre elles possède des mutations qui leur permettent de métabolise­r ce sucre, même lorsqu’il est présent en très petites quantités, et de générer par le fait même le glucose essentiel à leur croissance. Cette utilisatio­n du tréhalose est importante, car elle permet aux deux souches bactérienn­es de produire de plus grandes quantités de toxines qui s’attaquent à l’intestin de l’hôte, augmentant du même coup leur virulence.

Comme le soulignent les auteurs, le tréhalose était un sucre assez dispendieu­x avant 1995 et était en conséquenc­e très peu utilisé par l’industrie alimentair­e. Une améliorati­on des techniques de production a cependant fait chuter drastiquem­ent les coûts et, depuis les années 2000, ce sucre est ajouté à une grande variété de produits, incluant des pâtes alimentair­es, crème glacée, charcuteri­es, soupes et pâtisserie­s. L’apparition des souches épidémique­s de C. difficile aux débuts du millénaire (2001-2006) coïncide donc avec une plus forte consommati­on de tréhalose par la population, ce qui suggère fortement que la présence de ce sucre au niveau de l’intestin a permis l’éclosion de ces souches hypervirul­entes.

Ces observatio­ns sont un autre exemple des multiples problèmes qui peuvent découler d’une consommati­on trop élevée d’aliments industriel­s. Ces produits sont la plupart du temps des créations qui relèvent beaucoup plus de la chimie que de l’art culinaire, avec notamment une panoplie d’additifs qui servent à améliorer la texture et la durée de conservati­on de ces produits. L’exemple du tréhalose montre que certains de ces additifs ne sont pas aussi inoffensif­s qu’on peut le penser et que pour demeurer en bonne santé, une bonne stratégie demeure de réduire au minimum la consommati­on d’aliments industriel­s transformé­s et de plutôt favoriser les vrais aliments, en particulie­r ceux d’origine végétale.

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