Entre dauphin et canard boiteux
On entre… et on sort comme d’un moulin de la Maison-Blanche de Donald Trump. Le New York Times a calculé que le taux de roulement du personnel est le plus élevé depuis des décennies : 34 %, le double de ce qui avait été vécu au cours de la première année de l’administration Reagan, la pire jusqu’à maintenant. Il y a un homme toutefois qui n’a pas bougé et qui n’a certainement pas l’intention de le faire, le vice-président Mike Pence.
Il a pourtant eu toutes les raisons du monde de claquer la porte. Déjà, en campagne électorale, l’enregistrement des propos de Donald Trump à Access Hollywood, se vantant de pouvoir « mettre la main à la chatte » de n’importe quelle femme puisqu’il était une célébrité, aurait dû pousser Pence à conclure que Trump était un vulgaire personnage auquel il n’était pas digne de rester associé.
Ou récemment encore, lorsque Trump a qualifié les pays africains de « trous à merde » et affirmé qu’il y a avait amplement d’Haïtiens aux États-Unis, Mike Pence aurait pu juger que de telles paroles n’exprimaient ni charité ni bienveillance devant la misère humaine.
Il pourrait d’ailleurs dire la même chose ces temps-ci, alors qu’il apparaît de plus en plus clairement que le président, son chef de cabinet et à peu près tous ceux qui ont un minimum de pouvoir dans cette Maison-Blanche ont préféré protéger un assistant de Trump avec un réflexe et des antécédents de violence conjugale plutôt que de donner du crédit aux femmes qui affirmaient que l’homme est un dangereux personnage.
De cette affaire-ci, celle de Rob Porter qui continue de faire des remous à la Maison-Blanche, comme les autres, il s’en est vaguement offusqué, mais fiez-vous à moi, ça ne durera pas. Le chrétien intense qu’est Mike Pence perd de sa contenance et de sa miséricorde devant Donald Trump et redevient le chien de poche que le président attend de son numéro deux.
UN HOMME QUI VOIT LOIN
C’est que Mike Pence a, à la fois, un plan et une mission en tête. Sa mission est de ramener les ÉtatsUnis sur le chemin de la bonne vieille foi chrétienne, un chemin duquel le pays s’est écarté, croit-il, depuis plus d’un quart de siècle.
Hier, par exemple, c’est lui que Donald Trump avait délégué au Musée national d’histoire africaine-américaine pour souligner le mois de février, le Black History Month. Pence, tout en encensant le rôle des Noirs dans l’histoire américaine, n’a pas manqué, comme il le fait systématiquement, de citer le Nouveau Testament, cette fois-ci 2 Corinthiens 3 : 17, « Là où est l’esprit du Seigneur, il y a la liberté. »
Quant à son plan, il est en marche depuis que Donald Trump l’a arraché à sa propre détresse. Pence était le gouverneur impopulaire de l’Indiana, clean-cut, mais sans chance de réélection, quand le candidat Trump l’a choisi, en juillet 2016, comme colistier. Depuis ce jour, il louange sans honte le milliardaire new-yorkais, conscient que s’il fait le choix de ne pas se représenter, voire si les démocrates réussissaient à le destituer, c’est entre ses mains que la présidence tomberait.
Faut-il s’en inquiéter ? Pence, c’est clair, est un conservateur ultra-radical. Dernière à l’affirmer : Omarosa Manigault, ex-vedette de The Apprentice, la série de télé-réalité animée par Trump, fraîchement sortie de la Maison-Blanche où elle occupait un poste de relations publiques.
« Il est extrême », dit-elle, « il est persuadé que Jésus lui dit quoi faire. » Venant d’elle, ça vaut ce que ça vaut. Reste que Pence comme alternative à Trump ? Pas sûr que les Américains en sortiraient gagnants.
« Il est persuadé que Jésus lui dit quoi faire »