Le Journal de Montreal

Des liens « troublants » entre Ottawa et les géants du web

Selon un ex-dirigeant du FMI, ces entreprise­s ont « énormément de pouvoir »

- PIERRE-OLIVIER ZAPPA

Les géants américains du web comme Google et Facebook ne ménagent aucun effort pour obtenir les faveurs d’Ottawa et maintenir leurs privilèges, comme l’exemption de payer des taxes sur leurs revenus publicitai­res.

Au cours des derniers mois, les représenta­nts de Google ont rencontré des membres du gouverneme­nt Trudeau à une cinquantai­ne de reprises.

Selon le registre des lobbyistes, Google a eu accès à plusieurs grosses pointures du gouverneme­nt Trudeau : le premier ministre lui-même, le ministre du Développem­ent économique, Navdeep Bains, et à cinq reprises, la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly.

« Je ne suis pas surpris, et cela demeure troublant », a indiqué Vito Tanzi, ancien directeur de la fiscalité au Fonds monétaire internatio­nal (FMI). Spécialist­e de la lutte à l’évitement fiscal, il invite le gouverneme­nt Trudeau à durcir le ton.

« Des entreprise­s comme Google ont énormément de pouvoir, a-t-il affirmé. Le Canada doit exiger de ces multinatio­nales qu’elles dévoilent leurs revenus pour les imposer comme celles basées au Canada. » Cela permettrai­t au fédéral de récupérer environ 700 M$ auprès des entreprise­s de Google et de Facebook.

UNE « ADMIRATION BÉATE »

Autre signe de la proximité entre les géants numériques et le gouverneme­nt fédéral : la chef de cabinet de Mélanie Joly, Leslie Church, a occupé la fonction de directrice des affaires publiques chez Google Canada entre 2012 et 2015.

« On est dans une phase d’admiration béate. Les élus doivent prendre leurs responsabi­lités. Ces multinatio­nales doivent redonner ici », a commenté Michel Nadeau, directeur général de l’Institut sur la gouvernanc­e.

PRESSÉ DE REVOIR SA POSITION

Interrogée hier sur la colline Parlementa­ire, la ministre du Patrimoine a indiqué n’avoir aucun plan concret pour mettre les géants américains sur le même pied d’égalité que leurs concurrent­s canadiens.

« La taxation des plateforme­s numériques est un enjeu complexe que l’on veut bien étudier. À long terme, on doit avoir une approche réfléchie sur la question », a expliqué Mélanie Joly.

De leur côté, les partis d’opposition pressent le gouverneme­nt de revoir sa position. « Le gouverneme­nt Trudeau doit être courageux et dire aux géants qu’ils doivent payer leur juste part », a souligné le député conservate­ur Alupa Clarke.

« On voit bien que le gros lobbying auprès du gouverneme­nt, cela porte fruit », a déploré le néo-démocrate Pierre Nantel.

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PHOTO D’ARCHIVES Google a notamment eu accès à Mélanie Joly à cinq reprises. Sur la photo, la ministre devant la Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain pour présenter la vision du gouverneme­nt pour les industries culturelle­s et créatives, le 8 décembre dernier.
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VITO TANZI Ex-directeur de la fiscalité, FMI

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