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Philippe Couillard mettait au défi les Québécois cette semaine (sans rire !) de trouver un gouvernement qui avait été plus « agressif » que le sien avec les médecins.
Plusieurs ont souri, compte tenu des ententes onéreuses signées avec les deux fédérations de médecins.
Du reste, pourfendre les docteurs est à la mode. Et ce n’est certainement pas la présidente de la Fédération des médecins spécialistes (FMSQ) qui aidera à ce que celle-ci passe.
Dans un « bulletin spécial » envoyé à ses membres jeudi, Diane Francoeur s’est vidé le coeur.
S’en prenant aux médias, elle a dénoncé les fausses nouvelles qui deviennent « la vérité de ceux » qui accusent les spécialistes de s’« être fait greffer un portefeuille à la place du coeur ».
COLÈRE
« La semaine a été difficile », se plaint-elle. Et ce n’est qu’un début, car « les prochaines le seront aussi… jusqu’aux élections, au grand plaisir des partis de l’opposition ».
Critiquer les médias et les partis d’opposition est de bonne guerre. Ils sont, comme les médecins, loin d’être parfaits.
Les représentants et porte-parole qui s’en prennent cependant ainsi aux médias et aux oppositions oublient souvent l’humeur populaire, dont les oppositions ont, justement, le devoir de se faire l’écho.
Or, il y a un vrai ras-le-bol face à la position privilégiée des médecins dans la société québécoise et dans leur accès tout aussi privilégié aux fonds publics.
Trouvez un autre professionnel qui a cet avantage d’être traité comme un travailleur autonome alors qu’il n’a au fond qu’un seul client, l’État. Et qui, par les ententes qu’il signe avec ce même client, détermine une bonne partie du système dans lequel il travaille.
Les Québécois ne refusent pas que leurs médecins, avec qui ils ont habituellement de bons rapports (quand ils peuvent les voir), soient bien payés.
Mais ils sont animés d’une vraie colère, qui est d’abord le résultat de quelque deux décennies de promesses violées dans le domaine de la santé. On nous a promis de l’accès, moins d’attente. Les résultats ne viennent pas.
Ce n’est pas uniquement la faute aux médecins, qui méritent de bons salaires. Mais quand on apprend que ceux-ci obtiennent des augmentations plantureuses et des remboursements pour ententes passées, qu’ils accaparent quelque 20 % du budget de la santé, la colère se répand.
PRIVILÈGES
En France, les privilèges ont été abolis en 1789. Au Québec, le régime seigneurial a cessé d’exister en 1854. Or, quand on lit Mme Francoeur, on a l’impression que les médecins sont faits d’une autre argile. Méritent des privilèges. Avec un ton digne d’un grand seigneur, Mme Francoeur pourfend les médecins qui ont osé rompre les rangs et critiquer les ententes : Amir Khadir, député-médecin de QS et Hugo Viens, président de l’Association médicale du Québec. Sous sa plume, le rattrapage salarial avec la moyenne canadienne apparaît comme une sorte de droit fondamental. L’« erreur » aurait été de proposer d’étaler ce rattrapage sur 10 ans. Or, écrit-elle, « ces 10 ans sont devenus 15 ans et maintenant 18 ans. Quel autre groupe de travailleurs en aura fait autant ? Vous n’avez pas à rougir d’avoir offert un tel compromis à l’État québécois ». Ah ! Un tel sens du sacrifice vous émeut, j’en suis certain. Surtout quand on sait que ce rattrapage était fondé sur un calcul erroné et que les spécialistes québécois ont maintenant une rémunération supérieure à ceux du reste du Canada.
ARROGANCE
L’arrogance de la représentante des spécialistes québécois n’aidera sûrement pas M. Couillard et M. Barrette, qui déploient des efforts titanesques pour faire oublier le dossier de la santé.
Surtout que Mme Francoeur épargne étrangement ce même gouvernement qui, pourtant, soutient avoir été si « agressif » avec eux.
Même s’ils s’en défendent, M. Couillard et M. Barrette incarnent, aux yeux de plusieurs Québécois, et la cupidité des médecins contemporains et l’incapacité à la contenir.