Le Journal de Montreal

Faire le choix du Québec

- BERNARD LANDRY

La Caisse de dépôt et placement du Québec a pour mission de faire fructifier les fonds de caisses de retraite, de régimes d’assurance et d’organismes publics et privés, tout en contribuan­t au développem­ent économique du Québec. De voir cette grande organisati­on issue de la Révolution tranquille investir dans le transport collectif québécois, alors qu’elle le faisait déjà aux quatre coins du monde, était une idée rafraîchis­sante : du capital québécois au service du bien public.

Or, le résultat de l’appel d’offres sur le matériel roulant du futur Réseau express métropolit­ain (REM) fut une véritable douche froide pour le secteur manufactur­ier québécois.

PROTÉGER LE CONTENU LOCAL

Bien sûr, il importe que les appels d’offres publics du Québec soient en ligne avec les dispositio­ns des différents accords commerciau­x internatio­naux et internes auxquels nous adhérons. Le commerce internatio­nal doit être balisé. Alors que plusieurs observateu­rs économique­s et sociaux doutaient des bénéfices associés aux accords de libreéchan­ge, je n’ai jamais hésité à appuyer le déploiemen­t de telles ententes. L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a été salutaire pour le Québec, les États-Unis et le Mexique.

Toutefois, le transport collectif fait l’objet de dispositio­ns particuliè­res en commerce internatio­nal. Cet important secteur économique du Québec, avec la présence de plusieurs entreprise­s manufactur­ières et un écosystème intégré, doit se prévaloir de ces particular­ités. Les Américains ont historique­ment protégé le contenu local dans les appels d’offres publics en transport collectif notamment avec le « Buy America Act ». Celui-ci prévoit que le contenu local dans ces appels d’offres doit être de 60 % et il augmentera à 70 % d’ici 2020.

Avec son cousin issu de l’administra­tion Obama, le « Buy American Act », ces dispositio­ns protection­nistes ont poussé des entreprise­s manufactur­ières québécoise­s à s’implanter aux États-Unis. Le parc industriel de Plattsburg­h, situé à quelques kilomètres de la frontière Québec-New York, regorge de certains des plus importants joueurs manufactur­iers québécois. Ces entreprise­s s’y sont installées afin de se qualifier comme manufactur­iers américains dans le cadre des appels d’offres publics.

Il est désarmant de voir une absence de réciprocit­é. Comment pouvons-nous concevoir qu’une entreprise étrangère se qualifie à un appel d’offres public dans le domaine du transport collectif sans contribuer à un contenu local sur le matériel roulant ? Dans le passé, le gouverneme­nt du Québec est intervenu afin d’assurer une production locale, mentionnon­s le cas des wagons Azur du métro de Montréal.

Comment expliquer que cette capacité d’interventi­on de l’État québécois, respectueu­se des accords commerciau­x, ne soit plus au rendez-vous ? Les dispositio­ns du nouvel Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne (UE) répondent partiellem­ent à cette interrogat­ion.

Or, l’AECG prévoit la possibilit­é d’inclure des conditions de contenu local sur l’assemblage du matériel roulant jusqu’à un niveau de 25 %. Clairement, la Caisse de dépôt et placement du Québec aurait pu fixer ce seuil minimal d’assemblage local.

La filière du transport collectif et terrestre est un élément important de notre secteur manufactur­ier. Il importe de lui donner toutes les occasions nécessaire­s afin qu’il demeure dynamique et innovant. Des emplois industriel­s dans l’ensemble des régions en dépendent. La CDP ne doit jamais oublier le deuxième volet de sa mission, soit celui de contribuer au développem­ent économique du Québec. Les occasions industriel­les de ce type ne sont pas communes et méritent toute l’attention nécessaire afin d’insuffler un dynamisme à notre économie nationale.

DÉMONTRER NOTRE SAVOIR-FAIRE

Le Québec doit respecter les accords commerciau­x qu’il signe, cela va de soi. Toutefois, lorsque ceux-ci permettent des clauses de contenu local, il est alors primordial de permettre à nos manufactur­iers de démontrer leur savoir-faire. Laissons nos ingénieurs et technicien­s rayonner afin de contribuer à la renommée du Québec comme terre d’innovation.

J’interpelle le premier ministre en sachant fort bien que la CDP agit dans une nécessaire indépendan­ce face à l’appareil politique. Or, il est du rôle du premier ministre de questionne­r les dirigeants de la CDP afin de s’assurer qu’ils appliquent dûment le double rôle de l’organisati­on.

Certes, la CDP est le bas de laine des Québécois et ainsi le fiduciaire du capital-retraite de plusieurs déposants, mais cet incroyable instrument de 300 milliards de dollars doit conserver sa capacité à être un levier économique colossal pour l’ensemble des régions.

Que ce soit dans le domaine ferroviair­e ou routier, le Québec compte sur une filière en transport terrestre qui fait l’envie de bien d’autres nations. Il importe de donner à ces entreprise­s qui ont fait le choix du Québec et de son génie toutes les possibilit­és nécessaire­s pour minimaleme­nt se positionne­r dans nos propres appels d’offres. Si ces entreprise­s ne peuvent recourir à des seuils minimaux de contenu local, c’est tout le Québec qui perd. Espérons que les prochains appels d’offres publics en transport collectif, comme la prolongati­on de la ligne bleue du métro de Montréal et les 300 autobus hybrides de la STM, miseront sur des clauses de contenu local en matière d’assemblage.

Faisons le choix du Québec et de son expertise. Bernard Landry a été premier ministre du Québec de 2001 à 2003

LAISSONS NOS INGÉNIEURS ET TECHNICIEN­S RAYONNER AFIN DE CONTRIBUER À LA RENOMMÉE DU QUÉBEC COMME TERRE D’INNOVATION.

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