Le Journal de Montreal

La fois où j’ai fait peur à Gaétan Boucher sur la glace en BMW

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Il y a 30 ans déjà, BMW a profité des Jeux olympiques d’hiver qui allaient débuter à Calgary pour y présenter la 325iX, sa toute première voiture à rouage intégral.

Une bonne façon de permettre aux journalist­es automobile­s de la conduire dans des conditions qui allaient démontrer les avantages de son rouage à quatre roues motrices assez particulie­r.

Pour profiter pleinement de la fébrilité des JO qui allaient débuter quelques jours plus tard, la marque bavaroise avait invité aussi quelques célébrités. C’est ainsi que j’ai eu la chance unique d’avoir pour coéquipier le grand olympien qu’était Gaétan Boucher, revenu de Sarajevo quatre ans plus tôt avec deux médailles d’or et une de bronze en patinage de vitesse.

En roulant avec lui, j’ai immédiatem­ent reconnu le calme, le sérieux et la modestie qu’il a toujours affichés. Mais j’ai vite senti, aussi, la volonté d’un homme qui sait exactement ce qu’il veut. On ne devient pas double champion olympique dans un sport aussi impitoyabl­e sans une déterminat­ion en acier trempé.

CHAMPION D’UN AUTRE GENRE

Parmi les autres vedettes, il y avait Bruce Jenner, vainqueur du décathlon aux Jeux olympiques de 1976 à Montréal, et encore plus célèbre aujourd’hui sous le nom de Caitlyn Jenner.

Or, Jenner a également fait de la course automobile et même gagné sa catégorie aux légendaire­s 12 Heures de Sebring en 1986, en plus de terminer quatrième au classement général avec l’excellent Scott Pruett.

À Calgary, les choses sont devenues intéressan­tes lorsque notre caravane a enfin troqué les boulevards pour des routes secondaire­s qui sillonnaie­nt une campagne de plus en plus ondulée, vers les contrefort­s des Rocheuses. Certains de nos camarades se sont d’ailleurs laissé prendre au jeu. Jenner et un collègue ontarien, entre autres, ont escaladé de gros bancs de neige après un duel très peu officiel, sur la route. Une autre 325iX s’est retrouvée en plein champ, avec de la poudre blanche jusqu’au milieu des portières.

Pendant ce temps, mon illustre coéquipier menait la BMW avec la minutie et la précision qu’exige son sport. Avec une belle prudence aussi, ce qui n’avait rien pour me déplaire.

Après le lunch, nous sommes repartis sur des routes de terre couvertes de glace et truffées de longues courbes. Pas un grain de sable et encore moins de sel sur ces chemins très dégagés dont le profil était particuliè­rement bombé au centre. Seulement une mince couche de neige qui les rendait encore plus glissants et traîtres.

Volant en mains, pas question pour moi de risquer la moindre sortie de route, le moindre dérapage trop prononcé. Par orgueil, sûrement, mais aussi parce que je sentais vraiment la responsabi­lité d’amener le meilleur athlète olympique canadien de l’époque sain et sauf à la fin du parcours.

PLAISIR IRRÉSISTIB­LE

Cela dit, comment pouvais-je résister à la tentation d’explorer les limites et la performanc­e de la première BMW conçue pour de telles conditions ? J’avais un boulot à faire moi aussi, après tout. Et je ne m’en suis pas privé. Aucune voiture n’est restée longtemps devant nous. Et derrière, je me rappelle les traînées de neige que soulevait notre 325iX rouge sur quelques mètres de haut, à perte de vue dans les rétroviseu­rs.

Je me souviens de ces longues courbes négociées, je le confesse, à environ 160 km/h sur la glace vive, en maintenant la petite bavaroise en très léger dérapage des quatre roues et en prenant surtout grand soin de ne pas franchir la crête au centre.

Silence complet à bord, à part le bruit du vent et de la neige qui bardassait dans les puits de roues. Sauf lorsque je demandais à Gaétan si tout allait bien de son côté. Il répondait toujours oui, même si je suis convaincu qu’il préfère avoir toujours le plein contrôle, lui aussi. C’est un brave entre les braves, après tout.

Nous sommes arrivés les premiers à destinatio­n ce jour-là, sans esbroufe et sans incident. J’ai serré la main de mon champion de coéquipier en le remerciant et en lui souhaitant tout le meilleur pour les Jeux.

Je me suis pourtant toujours demandé si je ne lui avais pas fait suffisamme­nt peur, sur ces grandes courbes glacées, pour affecter ses performanc­es sur l’ovale de Calgary, peu de temps après.

Si c’est le cas, et j’en doute fortement, j’en suis vraiment désolé, Gaétan. Je n’ai pas pu m’en empêcher. J’aime trop conduire à la limite, sur l’asphalte, la terre, la neige, ou la glace.

Et quelque chose me dit que c’est une chose que tu comprends parfaiteme­nt.

j’ai eu la chance d’avoir pour coéquipier l’unique Gaétan Boucher

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