Le Journal de Montreal

Des travailleu­rs étrangers qualifiés oubliés par Québec

Ils dénoncent la lenteur et l’opacité du ministère de l’Immigratio­n

- CAMILLE GARNIER

« C’EST PARADOXAL PARCE QUE D’UN CÔTÉ, LE MINISTÈRE FAIT PLEIN DE COMMUNICAT­IONS EN AFFIRMANT AVOIR BESOIN DE MAIN-D’OEUVRE ET DE L’AUTRE, IL NE FAIT RIEN POUR COMBLER CE BESOIN » – Frédéric Beck, Français

Alors que le Québec connaît une pénurie de main-d’oeuvre, des travailleu­rs étrangers qualifiés dans des domaines jugés prioritair­es attendent depuis près de deux ans le certificat qui leur permettrai­t d’être embauchés ici et pour lequel ils ont déjà payé plus de 700 $.

Ces aspirants immigrants venus d’Europe, d’Afrique ou d’Amérique latine ont tous postulé via la plate-forme en ligne Mon Projet Québec, lors de son lancement, au début de 2016.

Ce système électroniq­ue qui a coûté au ministère de l’Immigratio­n, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI) plus d’un million de dollars avait pour but de remplacer les dossiers papier et d’accélérer le traitement des demandes.

RATÉS ET RETARDS

Mais dans la pratique, Mon Projet Québec semble accumuler les ratés et les retards.

« Ce qui est frustrant, c’est que depuis deux ans je ne sais pas où je vais », explique Frédéric Beck, un Français de 40 ans, détenteur d’un diplôme d’infirmier et de chef de travaux en constructi­on.

L’homme fait partie des chanceux qui ont réussi à déposer leur dossier sur Mon Projet Québec en janvier 2016 malgré les nombreuses pannes de serveur qui avaient alors fait les manchettes et obligé le ministère à fournir des explicatio­ns.

« J’ai payé environ 1000 $ pour les coûts de gestion administra­tive et après ça, plus rien, raconte-t-il. Je n’ai eu aucune nouvelle du MIDI depuis, et lorsqu’on les appelle, il est impossible d’obtenir la moindre réponse. »

PARADOXAL

À la fin de l’été dernier, M. Beck a finalement reçu un message du ministère lui demandant une liste de documents. L’homme les a fournis immédiatem­ent et n’a depuis reçu aucune informatio­n sur l’avancement de son dossier.

« C’est paradoxal parce que d’un côté, le ministère fait plein de communicat­ions en affirmant avoir besoin de main-d’oeuvre [voir autre texte] et de l’autre, il ne fait rien pour combler ce besoin », déplore-t-il.

M. Beck est loin d’être le seul travailleu­r qualifié en attente d’une réponse à désespérer de ces délais.

SACRIFICE

« J’ai dû verser environ 750 $ pour les frais de gestion et je n’ai toujours pas de réponse 20 mois après, explique Arsène Koffi, un informatic­ien d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. C’est un gros sacrifice pour moi. »

Sur les forums spécialisé­s, ils sont des centaines à écrire depuis l’Algérie, la Moldavie ou le Brésil leur impuissanc­e devant la lenteur et le mutisme du MIDI.

« On sait que le ministère traite encore des demandes papier qui ont été faites avant le lancement de Mon Projet Québec, explique l’avocat spécialisé en droit de l’immigratio­n, Andres Miguel Pareja. Il y a un retard important. Peut-être que c’est une question de ressources ou d’efficacité, mais je ne pense pas que cela justifie autant d’années d’attente. »

Interrogé par Le Journal sur ces délais anormaleme­nt longs, le MIDI n’a pas été en mesure de nous répondre.

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Frédéric Beck a parlé au Journal depuis son appartemen­t de Lille, en France. Ce quadragéna­ire a repoussé plusieurs projet ces deux dernières années, dont celui de faire un enfant, car il attend toujours une réponse à sa demande d’immigratio­n. PHOTO...

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