Le Journal de Montreal

Plainte pour blanchimen­t internatio­nal

L’avocat réputé William Bourdon dénonce les investisse­ments de proches de despotes africains au Québec

- HUGO JONCAS

Le célèbre avocat anticorrup­tion William Bourdon dépose une plainte au Canada contre une vingtaine de politicien­s et de hauts gradés de régimes corrompus d’Afrique, qui ont investi plus de c0 Mr dans l’immobilier au Québec.

Il vise tous les individus que mentionnai­t le vaste dossier de notre Bureau d’enquête en juin dernier. Son associatio­n anticorrup­tion, Sherpa, travaille de concert avec la Coalition Biens mal acquis (BMA) Canada, regroupant des Canadiens originaire­s de différents pays africains concernés par l’affaire.

William Bourdon est l’avocat qui a fait condamner à Paris le vice-président de Guinée équatorial­e, Teodorin Obiang, pour corruption, détourneme­nt de fonds et blanchimen­t d’argent, et obtenu la saisie de ses biens. Il a lancé des procédures semblables contre les dirigeants du Congo-Brazzavill­e et du Gabon.

« Les engagement­s internatio­naux du Canada, ceux de son premier ministre, imposent l’ouverture d’une enquête qui permettra la saisie des biens et leur restitutio­n, et la poursuite de leurs bénéficiai­res », a déclaré William Bourdon, en entrevue avec notre Bureau d’enquête.

ACHATS SUSPECTS

Le chasseur de « biens mal acquis » insiste : les autorités ont maintenant assez d’informatio­ns pour enquêter sur la façon dont ces investisse­urs ont financé leurs achats. Elles ont même l’obligation de le faire, en vertu des convention­s anticorrup­tion qu’a signées Ottawa.

« Il est incontesta­ble que la valeur de ces patrimoine­s immobilier et mobilier, parfois de l’ordre de plusieurs millions de dollars, est sans commune mesure avec les salaires dont bénéficien­t leurs propriétai­res, écrit William Bourdon dans sa plainte. Ce déséquilib­re conduit nécessaire­ment à s’interroger sur l’origine des fonds et constitue un motif raisonnabl­e de croire que les avoirs sont le fruit d’actes illégaux. »

« Le parquet de Paris, il y a plus de 10 ans, avait ouvert une enquête sur des éléments de preuve qui étaient moins abondants que ceux présentés aujourd’hui au Québec », insiste l’avocat en entrevue.

Selon William Bourdon, la GRC devrait aussi enquêter sur les notaires et avocats québécois ayant aidé ces investisse­urs à mettre la main sur leurs propriétés, la plupart du temps sans hypothèque. « Tout suggère que ces opérations constituen­t du blanchimen­t d’argent. »

PLAIGNANTS AU CANADA

Avec cette plainte, l’avocat vient épauler la Coalition Biens mal acquis.

Ce regroupeme­nt de Canadiens originaire­s de divers pays d’Afrique francophon­e souhaite pousser les autorités à enquêter sur certains investisse­urs qu’a identifiés notre Bureau d’enquête.

« On n’a pas les moyens de consulter des avocats, dit Tchadaouba­ye Natolban, un Montréalai­s d’origine tchadienne membre de la Coalition. Sherpa, ce sont des experts. Une porte s’est ouverte quand l’associatio­n a accepté de travailler avec nous. »

Pour la suite des choses, la Coalition BMA Canada souhaite sensibilis­er les parlementa­ires canadiens à la situation, en organisant notamment une conférence et en lançant une pétition.

« Ces gens-là sont poursuivis par plusieurs pays en Europe. Ils cherchent des endroits sécuritair­es où ils peuvent blanchir leur argent. Le Canada est un pays où ils peuvent le faire sans brouille, dit Raoul Didier Maboundou, originaire du Congo-Brazzavill­e. Nous, on ne veut pas le leur permettre. »

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PHOTO D’ARCHIVES, PIERRE-PAUL POULIN La tour Exalto de Devimco, dans Griffintow­n. Une compagnie d’un beau-frère du président tchadien Idriss Déby y a acquis 10 condos d’un coup pour 3,1 M$ en 2016.
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WILLIAMNBO­URDON Fondateur de Sherpa

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