DES RISTOURNES DE 10 M$ EN ÉCHANGE DE CONTRATS
Les fournisseurs d’équipements médicaux forcés de faire des chèques aux hôpitaux du Québec
Les hôpitaux du Québec se partagent 10 millions de dollars par année en ristournes cachées provenant des fabricants d’équipements médicaux, une situation unique en Amérique du Nord.
Un fournisseur de prothèses de hanche et de genou s’apprête à faire un chèque d’au moins 5 M$ à ses clients, une poignée d’hôpitaux de la Montérégie, des Laurentides et de l’ouest du Québec.
Geste illégal ? Tentative de corruption ? Pas du tout. Il s’agit d’une ristourne exigée dans l’appel d’offres qui vient d’être lancé conjointement par ces établissements de santé, a découvert notre Bureau d’enquête.
« Il n’y a qu’au Québec qu’il y a des ristournes comme ça », dit Benoît Larose, vice-président de MEDEC, une association qui représente plusieurs fournisseurs d’équipements médicaux.
PRIX GONFLÉS
Ce n’est pas de gaieté de coeur que les entreprises qu’il représente acceptent de payer des ristournes aux établissements de santé québécois.
Certaines firmes américaines craignent même de contourner les règles anticorruption de leur pays en agissant ainsi. De plus, aucune autre province canadienne n’a ce type d’exigence.
Le gouvernement du Québec préfère appeler ces ristournes « contributions au partenariat ». Elles correspondent à entre 10 et 12 % des ventes de l’entreprise gagnante, qui doivent en tenir compte lorsqu’ils fixent leurs prix.
« C’est vu comme une taxe. Il [le gouvernement] aurait de meilleurs prix s’il n’y avait pas de ristournes », dit Benoît Larose.
MANQUE DE TRANSPARENCE
Dans le cas de l’appel d’offres pour les prothèses de hanche et de genou lancé il y a quelques semaines par le Groupe d’approvisionnement en commun de l’Ouestdu-Québec (GACOQ), les ristournes atteindront donc plus de 5 M$, car le contrat est estimé à au moins 50 M$.
Plusieurs fournisseurs se plaignent de ne pas savoir à quoi servent exactement les millions versés aux hôpitaux.
« Il y a un manque de transparence et d’assurances. On n’a aucune idée précise [à quoi sert l’argent] », dit une représentante d’un fournisseur qui veut conserver l’anonymat.
Et même si les hôpitaux doivent rendre des comptes sur leurs dépenses au gouvernement et aux groupes d’approvisionnement en commun, ces informations ne sont jamais rendues accessibles au public.