Le Journal de Montreal

Fournier, comme Vasy

Que retiendron­s-nous du parcours politique de Jean-Marc Fournier ?

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Un rhéteur hors pair, c’est bien sûr, qui adore ferrailler, lancer des arguments. J’ai déjà écrit qu’il était un « haïssable » qui savait attendrir.

Quand on est habile rhéteur, on vous donne des rôles de haïssables. Dans l’opposition libérale de 1994 à 2003, il a rapidement été inclus dans l’équipe des faucons. Au gouverneme­nt, il a battu le record de longévité comme leader parlementa­ire. Tant en chambre que dans les conférence­s de presse, il devient une sorte de tireur d’élite, celui qui descend en flammes les adversaire­s.

LE POMPIER ET VASY

Parlant de flammes : en 2003, dans le gouverneme­nt de Jean Charest, il devient pompier. On lui demande d’éteindre le feu des « défusions » municipale­s, promises imprudemme­nt par le PLQ pour raffermir le vote anglophone et gagner les couronnes.

Fournier, pour les rendre moins attrayante­s, les transforme­ra, par la magie du vocabulair­e, en « démembreme­nt ». Il imposera un procédé inédit de référendum à majorité qualifiée aux citoyens qui souhaitaie­nt, comme les libéraux leur avaient pourtant promis, « retrouver » leur ville.

Puis, on l’envoya éteindre des feux à l’Éducation, en remplaceme­nt de Pierre Reid, pas fait pour être ministre. En 2005, il s’entendit avec les étudiants en grève. Mais le jour de la présentati­on de l’entente, son explicatio­n est emberlific­otée (ponctué du néologisme « impacté »). Un journalist­e, en plein point de presse, s’écrie : « On ne comprend rien à ce que vous dites, monsieur ! »

Ses réformes ? Elles ne sont pas marquantes. Peu dans la population retiendron­t ses efforts pour améliorer l’accès à la justice ou renforcer la protection des consommate­urs.

En conférence de presse, hier, il évoqua un souvenir de l’époque où il était ministre de l’Éducation et du Sport : le hideux « bonhomme bleu » Vasy, qui nous intimait, dans des pubs, de bouger et de manger des fruits et des légumes.

TOURNÉE CONSTITUTI­ONNELLE

M. Fournier est entré en politique au moment de la commission Bélanger-Campeau en 1990. C’était après l’échec de l’accord du lac Meech, un projet de modificati­on de la Constituti­on de 1982, imposée au Québec par Trudeau père. À l’époque, les fédéralist­es nationalis­tes comme Jean-Marc Fournier soutenaien­t que le statu quo était inacceptab­le. Que des changement­s majeurs devaient être apportés à la fédération canadienne, sinon…

Dans son mémoire de maîtrise en droit de 1991, Fournier dénonçait 1982 comme un « coup de force » inacceptab­le qui demandait réparation. Le rejet de Meech révélait, écrivait-il, que l’union canadienne était dans un « cul-de-sac » [car] « la méfiance la caractéris­e ».

Il prônait la mise en place d’une assemblée constituan­te. En cas d’échec de cet exercice, et qu’on devrait conclure à « l’impossibil­ité pour cette union de durer, il faudrait la rompre. Il ne faut pas craindre cette éventualit­é », écrivait-il. Le problème identifié était grave et nécessitai­t, de façon urgente, des solutions.

Après le rejet de Charlottet­own et le non au référendum sur la souveraine­té, les fédéralist­es plus nationalis­tes comme Jean-Marc Fournier ont choisi d’abandonner ; de cesser de revendique­r. « Le fruit n’est pas mûr » est devenu leur maxime cardinale.

Peut-être pris de remords devant les occasions et le temps perdu par le Québec, devant les reculs subis, M. Fournier a, depuis juin, mis en avant un (intéressan­t) texte qui prône des changement­s constituti­onnels dans un horizon indétermin­é.

Il plaide la levée d’un « tabou » sur ces questions, tabou pourtant installé et entretenu par les fédéralist­es du Québec comme Fournier ; tabou qui les a bien servis.

Et il termine sa carrière en faisant la tournée du Dominion, tel un bonhomme bleu plein de belles et bonnes suggestion­s, un Vasy constituti­onnel.

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Fournier fait la tournée du Dominion, tel un bonhomme bleu plein de belles et bonnes suggestion­s.
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