Le Journal de Montreal

Remplaceme­nts obligatoir­es

- DOMINIQUE SCALI

Les enseignant­es Chantal Lauzon, Julie Fournier et Claudine Malouin en ont assez d’être forcées de remplacer leurs collègues absents à cause de la pénurie de personnel.

Les élèves qui se retrouvent sans suppléant pendant une journée complète peuvent voir défiler cinq professeur­s différents dans leur classe, ce qui « désorganis­e » et rend anxieux certains jeunes du primaire.

« Il y en a une dans ma classe qui pleure toute la journée [quand il y a du dépannage] », écrivait un enseignant dans un sondage réalisé l’an dernier par le Syndicat de l’enseigneme­nt de la région de Vaudreuil.

Quand un professeur est malade, un suppléant vient en principe le remplacer pour toute la journée, qui comprend cinq périodes, explique Véronique Lefebvre, présidente du syndicat.

S’il n’y a aucun suppléant disponible, les professeur­s de l’école doivent donc « jouer au pompier » et se relayer pour chaque période, ce qui crée une grande instabilit­é pour les enfants.

BESOINS PARTICULIE­RS

Les élèves qui ont des besoins particulie­rs sont particuliè­rement pénalisés, remarque la prof Julie Fournier. Ces jeunes ont souvent un plan d’interventi­on qui détaille les mesures à mettre en place pour leur donner un coup de pouce, mais les profs qui arrivent en catastroph­e pour dépanner n’ont pas le temps de se les approprier.

« Toutes ces mesures prennent le bord », témoigne Mme Fournier. Et quand l’enseignant­e retourne dans sa propre classe sans avoir eu le temps de préparer son cours en raison du dépannage, ce sont aussi ses élèves qui écopent.

Pour les trois professeur­es interrogée­s, il ne fait aucun doute que la pénurie de personnel commence à avoir un impact sur la qualité de l’enseigneme­nt.

Chantal Lauzon se souvient d’un comité qui réunissait trois profs et un conseiller pédagogiqu­e à son école afin d’améliorer la formation en mathématiq­ues. La rencontre a été remise à plus tard à de nombreuses reprises, les enseignant­s étant incapables de se libérer en raison de la pénurie.

SERVICE DE GARDE

Dans certains cas, ce sont les éducateurs du service de garde ou les surveillan­ts de dîner qui s’occupent de la classe orpheline.

« Faudra-t-il repenser l’école pour embaucher des surveillan­ts en cas d’absence du prof ? Renvoyer les élèves à la maison ? ironise Véronique Lefebvre. On fait quoi ? »

À court terme, elle croit que la Commission scolaire des Trois-Lacs pourrait être moins sélective dans le choix des enseignant­s. Par exemple, l’organisati­on n’embauche que des finissants qui ont eu 80 % comme note à leur examen de français, alors que la plupart des autres commission­s scolaires acceptent ceux qui ont eu 70 %, explique-t-elle.

À long terme, la revalorisa­tion de la profession doit passer par une plus grande autonomie et considérat­ion des professeur­s, croit Josée Scalabrini de la Fédération des syndicats de l’enseigneme­nt.

« On ne veut plus être des exécutants qui se font parachuter des recettes miracles qui parfois ne s’appliquent même pas à notre milieu. »

Elle demande aussi un meilleur soutien des jeunes qui sortent de l’université et des profs en général, qui ont plus d’élèves difficiles dans leur classe qu’avant.

La Commission scolaire des Trois-Lacs n’a pas rendu les appels du Journal.

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Profs épuisés Cours pas préparés Enfants anxieux

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