Le Journal de Montreal

Ça prend une révolution

- MARIO DUMONT

Une étude supplément­aire a relancé cette semaine le débat sur la rémunérati­on des médecins. Une étude qui met dos à dos les deux frustratio­ns des Québécois : des hausses spectacula­ires de la masse salariale des médecins et une absence de progrès notables sur la disponibil­ité des services.

Le ministre de la Santé et certains porte-parole des médecins ont tenté de nuancer. La période couverte n’inclut pas les deux dernières années de la réforme Barrette, la baisse du nombre d’actes constitue une donnée incomplète, ils ont avancé ces explicatio­ns. Plus personne n’écoute.

Le jugement de la population est déjà porté et ne sera pas facile à infléchir. Les médecins n’ont plus de crédibilit­é pour défendre le gouverneme­nt et le gouverneme­nt n’a plus de crédibilit­é pour défendre les médecins.

GOUVERNEME­NT DE DOCTEURS

Les médecins et le gouverneme­nt ont heurté l’opinion publique de front. Pour s’en sortir, ils doivent poser un geste spectacula­ire.

La perception incrustée qu’un gouverneme­nt de médecins a octroyé aux médecins plus que ce qui était raisonnabl­e doit maintenant être prise comme un fait. Nier cela s’apparente à une inquiétant­e négation de l’évidence. Le gouverneme­nt constate les dommages que ce dossier occasionne à ses chances de réélection. Les médecins constatent les dommages énormes à l’image de leur profession.

J’entends dire que les représenta­nts des fédération­s médicales trouvent la période très dure d’un point de vue personnel. Ils n’ont jamais imaginé une telle confrontat­ion frontale avec le public. Ils se le font dire dans la rue. Ils reçoivent aussi le message de la part de tous les médecins qui sentent le malaise dans leur contact quotidien avec les patients.

La présidente de la Fédération des médecins spécialist­es blâme les médias. Je comprends sa frustratio­n. Mais s’en prendre aux médias lorsqu’on vit pareille tempête, c’est comme frapper à coup de pelle sur un drapeau parce qu’on est choqué contre le vent.

D’ailleurs, la porte-parole des spécialist­es n’aide pas la cause de ses membres en refusant systématiq­uement les demandes d’entrevues les jours où ses membres se retrouvent au coeur de l’actualité. Une fois que la discussion est engagée, il vaut mieux y participer.

DANS LE MÊME BATEAU

À ce point-ci, le gouverneme­nt et les fédération­s médicales sont dans le même bateau. Que cela leur plaise ou non, leur sort est lié. S’ils veulent changer la perception, ils sont forcés de le faire ensemble, et il faudra des gestes spectacula­ires.

L’étude diffusée cette semaine abordait la rémunérati­on et l’offre de services. Je crois sincèremen­t qu’il est trop tard pour agir sur la première variable. L’enveloppe de rémunérati­on des médecins a doublé en une décennie. La dernière entente s’est ajoutée comme une cerise sur le sundae.

Par contre, je ne crois pas qu’il soit trop tard pour jouer sur la deuxième variable. Prouver que les services deviennent plus accessible­s. Les fédération­s médicales devraient convoquer Gaétan Barrette pour un déjeuner et offrir leur collaborat­ion pour une révolution. On accélère les chirurgies, on devance les rendez-vous, on prend des patients, on combat l’attente.

Impossible ? C’est l’impossible qu’il faudra réussir pour changer la perception.

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