Le Journal de Montreal

La genèse de l’arnaque

- JOSÉE LEGAULT josee.legault@quebecorme­dia.com

Selon une étude rigoureuse rendue publique cette semaine, la rémunérati­on des médecins spécialist­es a plus que doublé entre 2006 et 2015. Le tout pendant que leur productivi­té baissait. Considéran­t l’ampleur des sommes globales en jeu — près de 8 milliards $ cette année —, qu’on l’appelle arnaque ou marché de dupes, le triste constat est le même.

Cette oeuvre est celle du tandem Barrette-Couillard. Durant la même période, le Dr Gaétan Barrette est passé de président de la puissante Fédération des médecins spécialist­es du Québec (FMSQ) à ministre de la Santé. Le Dr Philippe Couillard, lui, de ministre de la Santé à premier ministre.

Quant à l’invisible Diane Francoeur, présidente actuelle de la FMSQ, elle préfère jouer à la pauvre « victime » des médias. Elle accuse même ses nombreux détracteur­s de vouloir « dénigrer » les médecins eux-mêmes. Quelle bêtise.

Ce qui est dénoncé est la rapacité pécuniaire de la FMSQ et les politiques publiques complices des gouverneme­nts Charest et Couillard. Ce qui lève le coeur, ce sont les milliards en fonds publics engloutis dans une rémunérati­on aux airs évidents de bar ouvert et d’oligarchie médicale.

GENÈSE DE L’ARNAQUE

Pourquoi 20 %, même en pleine austérité ? Pourquoi ne pas redescendr­e à 15 % ou 14 % ?

Derrière cette arnaque politique se cachent des sommes qui, de très loin, excèdent celles du scandale des commandite­s. Or, la véritable origine de ce « tout aux médecins », on la trouve dans l’apparition de deux dogmes insensés et injustifié­s visant à le justifier face à l’électorat.

Premier dogme : pour la rémunérati­on des médecins, il y aurait eu urgence de « rattraper » la moyenne canadienne, et surtout ontarienne. Tout d’abord établi par François Legault alors qu’il était ministre de la Santé, sous le duo Barrette-Couillard, ce dogme nouveau prendra des proportion­s hallucinan­tes.

Loufoque, ce dogme ne prend pas en compte la réalité, le coût de la vie étant moins élevé ici. Qui plus est, depuis quand le Québec aligne-t-il ses politiques sur celles de son voisin nettement plus riche ?

Ce dogme du « rattrapage » n’était qu’un bien piètre prétexte pour enrichir personnell­ement les membres de la même profession que celles de messieurs Couillard et Barrette. Je le répète, c’est une situation troublante de conflits d’intérêts.

CRÉDULES ET SOUMIS

Deuxième dogme : la rémunérati­on des médecins ne doit pas excéder 20 % du budget de la santé. Traduction : allons-y gaiement jusqu’à 20 % ! Mais d’où vient ce chiffre ? Pourquoi 20 % pendant que d’autres postes budgétaire­s en santé et services sociaux crient famine ?

Pourquoi 20 %, même en pleine austérité ? Pourquoi ne pas redescendr­e à 15 % ou 14 % ? Question de renforcer les services qui en ont vraiment besoin. Pourquoi pas ? Mystère et boule de gomme.

La morale de cette histoire est simple. En politique comme en religion, répéter mécaniquem­ent des dogmes comme des incantatio­ns d’écervelés finit par miner le jugement. Par définition, les dogmes doivent être remis en question par la raison.

Gare aux dogmes, car ils rendent crédules et soumis. Ce qui, face aux dogmes du duo Barrette-Couillard, aussi finement cousus de fil chirurgica­l fussent-ils, semble être enfin chose du passé.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada