Dépannage obligatoire à l’école
La pénurie de suppléants force les enseignants qui ont déjà une classe à faire du remplacement
Cours moins bien préparés, enfants stressés par la succession de remplaçants, surcharge de travail. Des enseignants qui doivent régulièrement faire du « dépannage obligatoire » pour pallier la pénurie de profs en plus de gérer leur propre classe lancent un cri d’alarme.
Presque tous les matins, Claudine Malouin se croise les doigts quand elle entre à l’école.
« Il ne faut pas qu’il y ait du dépannage obligatoire aujourd’hui. Faut pas, faut pas, faut pas », se répète-t-elle.
Trois enseignantes du primaire de la Commission scolaire des Trois-Lacs, qui couvre notamment Vaudreuil-Dorion en Montérégie, ont accepté de témoigner du manque de personnel qui force les profs à faire du temps supplémentaire et les maintient dans un cercle vicieux d’épuisement (voir autres textes).
Cette pénurie se traduit non seulement par des difficultés à recruter des enseignants qualifiés, mais aussi des suppléants, explique Josée Scalabrini, de la Fédération des syndicats de l’enseignement, qui représente plus de 65 000 professeurs à travers la province.
« Les banques de suppléants sont vides. Cette année, c’est pire que jamais. On reçoit des appels de partout : Gaspésie, Lanaudière, etc. »
PAS DE SUPPLÉANTS
Il arrive donc qu’une école n’ait trouvé personne pour assurer un remplacement de dernière minute et se tourne vers les enseignants réguliers pour effectuer du « dépannage ». Ceux-ci vont remplacer pendant que leurs propres élèves suivent des cours d’éducation physique ou de musique, par exemple.
Les enseignants doivent donc gruger dans le temps qui sert à planifier leurs cours, corriger, appeler des parents ou encore à rencontrer les professionnels de l’école.
Les profs rencontrées ont beau être habituées à apporter du travail à la maison, la charge de travail faite en dehors de l’école augmente.
« Mes enfants, mon conjoint, tout le monde écope », résume Julie Fournier.
Le système de dépannage était autrefois utilisé de façon exceptionnelle. « Mais là, c’est rendu quotidien », remarque-t-elle.
Une école de la Montérégie a même eu recours à cette solution plus d’un jour sur trois entre octobre et février, illustre un document obtenu par Le Journal.
« C’est rendu que je planifie des cours en fonction du dépannage. Je vais prévoir quelque chose qui demande moins de planification, que je peux organiser rapidement, au lieu de choisir l’activité la plus pédagogique pour mes élèves », dit Julie Fournier.
GÊNÉS D’ÊTRE MALADES
Les trois enseignantes avouent se sentir coupables de ne pouvoir pas toujours donner le meilleur à leurs élèves par manque de temps.
Le sentiment de culpabilité ne s’arrête pas là : les profs qui tombent malades s’en veulent aussi, sachant le stress qu’ils causent à leurs collègues.
« Il y en a qui sont gênés de prendre congé, vont s’excuser sur les réseaux sociaux. Certains vont attendre jusqu’à avoir un diagnostic médical », abonde la prof Chantal Lauzon.
Elles n’en veulent pas à leur direction ni à leur commission scolaire. « On voit qu’ils essaient des choses, mais le problème est au-dessus d’eux », remarque Mme Malouin.