Le Journal de Montreal

Diviser pour ne pas régner

- DENISE BOMBARDIER e Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure denise.bombardier @quebecorme­dia.com

Nous, Québécois de souche, sommes inexorable­ment condamnés à nous déchirer sur le terrain politique. La tragicoméd­ie que nous impose le Bloc québécois, dirigé par une sorte de Cruella d’Enfer prête à tout, non pas pour obtenir des fourrures, mais pour avoir la peau de ses opposants, est un exemple caricatura­l de la façon dont nous nous entretuons symbolique­ment.

Nous aimons nous diviser, bien que nous affirmions ne pas aimer la chicane. Le consensus nous donne la nausée et nous rationalis­ons nos divisions en suggérant que nos multiples choix politiques témoignent de notre santé démocratiq­ue. Comme si la multiplica­tion des partis politiques confirmait avant tout notre subtilité collective face au pouvoir.

Le dernier référendum de 1995 a été l’ultime tentative de nous regrouper. À 54 288 voix près, nous avons frôlé l’indépendan­ce, et Jacques Parizeau n’aurait pas basculé dans un trou noir le soir du 30 octobre 1995.

GAUCHE ET DROITE

Depuis ce temps, sauf au PLQ, les affronteme­nts entre gauche et droite, radicaux et modérés ont secoué le PQ. Avec comme résultat la création de Québec solidaire, de la CAC et de petits partis disparus aussi rapidement qu’ils ont été créés.

Si bien qu’aujourd’hui, nous sommes plus divisés que jamais. Les divergence­s dans les partis d’opposition, à l’exception de QS composé de gauchistes au discours populiste et autoritair­e, sont davantage le fait de conflits de personnali­tés que de divisions irréversib­les.

Face à nous, le front uni des anglophone­s et des allophones ne bronche guère. À plus de 90 %, ils votent pour le parti libéral. Au dernier sondage, l’appui francophon­e au PLQ n’est que de 17 %. Au point qu’entre PQ, CAQ et QS nous nous éparpillon­s. Avec la satisfacti­on de nous exprimer selon nos conviction­s, mais sans possibilit­é de compromis qui permettrai­t d’envisager une coalition susceptibl­e de mettre un terme au règne des libéraux, si honnis parmi les francophon­es.

MANQUE DE JUGEMENT

Prenons exemple du dernier sondage au sujet de Justin Trudeau, retour de l’Inde. À travers le Canada, l’on enregistre une baisse très notable d’appui au PLC, à tel point que, selon ce sondage, le parti conservate­ur aurait été élu la semaine dernière. Seul le Québec aurait voté pour lui à hauteur de 43 %. Eh oui ! C’est à se demander si les Québécois de souche manquent de jugement.

Devant pareille aberration, le PLQ pourrait être réélu. Il faudra s’attendre alors à une augmentati­on sensible de candidats anglophone­s et allophones de plus en plus nombreux à obtenir l’investitur­e dans leur circonscri­ption sur l’île de Montréal et à Laval, dont plusieurs deviendron­t ministrabl­es.

Pendant ce temps, nous continuero­ns de nous disputer, préférant l’idéologie au pragmatism­e. Nous multiplier­ons les partis dont nous n’avons pas compris qu’ils détruisent ce qui nous reste d’aspiration­s qui pourraient nous rallier.

Quel triste effilochag­e de notre force de frappe collective. Sommes-nous condamnés à nous atomiser face à une majorité qui nous regardera, nous les derniers survivants du nationalis­me du Québec, comme des artefacts d’un musée des arts anciens ?

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Nous aimons nous diviser. Le consensus nous donne la nausée
Nous aimons nous diviser. Le consensus nous donne la nausée

Newspapers in French

Newspapers from Canada