Le Journal de Montreal

Définir l’adversaire

- FATIMA HOUDA-PEPIN fatima.houda-pepin @quebecorme­dia.com

Les partis politiques ne gagnent pas toujours les élections parce qu’ils ont la meilleure équipe et le meilleur programme. Certains sont passés maîtres dans la recherche de LA CLIP assassine qui va terrasser leurs adversaire­s. UN SCUD DE PARIS

Le premier ministre Couillard nous en a donné un avant-goût, en lançant, le 5 mars dernier, de Paris où il se trouvait en mission officielle, un « Scud » contre François Legault, en l’associant au « populisme » des mouvements d’extrême droite en Europe.

Ce faisant, il met déjà ses lignes à l’eau pour définir la CAQ, qui risque de lui ravir l’élection du 1er octobre prochain, en l’amalgamant tout de suite aux partis extrémiste­s qui ont fait irruption en Italie, au scrutin du 4 mars. C’est grotesque !

C’est le même Philippe Couillard, qui s’est attaqué, lors du lancement de sa campagne, le 5 mars 2014, à son adversaire d’alors, Pauline Marois, en avouant « Je déteste ce gouverneme­nt ».

Quand vous êtes rendu à haïr vos adversaire­s pour gagner une élection, il ne faut pas s’étonner que les citoyens soient si désabusés de la politique.

En fait, M. Couillard est en mode panique depuis que s’est dessinée cette tendance lourde qui confirme l’avance de la CAQ dans les sondages. Pire, le PLQ fait face à une profonde désaffecti­on de ses propres militants.

Depuis janvier dernier, j’ai participé à trois événements sociaux en Estrie, en Montérégie et dans le Centre-du-Québec. Je ne compte plus le nombre de libéraux qui sont venus me dire spontanéme­nt, « Cette fois-ci, je passe à la CAQ ».

Il y a quatre jours, Martin Thibert, maire de Saint-Sébastien, a renoncé à défendre les couleurs du PLQ comme candidat libéral dans le comté d’Iberville, après que deux ministres libéraux se sont déplacés, à Marieville, pour en faire l’annonce.

Mais ce n’est pas la première fois que le PLQ a usé de tactique et de stratégie pour dépeindre un adversaire en lui collant une étiquette. Demandez-le à Mario Dumont.

DUMONT : LA GIROUETTE

À l’élection du 26 mars 2007, l’ADQ de Mario Dumont avait connu une ascension fulgurante, en raflant 41 comtés sur 125.

Elle a frappé aux portes du pouvoir, formé l’Opposition officielle, ramené le PLQ à un gouverneme­nt minoritair­e, une première en 130 ans, et réduit le PQ, au rang de 2e groupe d’opposition.

Au PLQ, on ne riait plus. Il fallait s’occuper du cas Dumont. On s’inquiétait surtout de sa proximité affective avec les Québécois francophon­es qui l’appelaient par son prénom, « Mario », comme si c’était leur fils.

Dès la rentrée parlementa­ire du 16 octobre 2007, un an avant l’élection du 8 décembre 2008, un sobriquet lui a été collé par le premier ministre Jean Charest, en pleine période de questions à l’Assemblée nationale. Il a été repris, à satiété, notamment par Jean-Marc Fournier.

Mario Dumont sera qualifié de « girouette ». Une clip qui va être amplifiée par les médias et les caricature­s. En l’espace de deux semaines, au sondage du 31 octobre 2007, l’effet « girouette » s’était fait sentir. Le PLQ avait gagné 7 points et l’ADQ en avait perdu 6.

À l’élection du 8 décembre 2008, l’ADQ avait subi une défaite crèvecoeur, perdant 36 de ses 41 députés, précipitan­t ainsi le départ de Mario Dumont de la politique.

Mais les choses ont changé depuis. Je doute fort que M. Couillard parvienne à nous convaincre que la CAQ s’est subitement muée en parti d’extrême droite. D’ailleurs, il n’y a pas de parti d’extrême droite à l’Assemblée nationale.

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Je doute fort que M. Couillard parvienne à nous convaincre que la CAQ s’est subitement muée en parti d’extrême droite.

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