Le Journal de Montreal

Endettée pour nourrir ses enfants

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Denise Marchand a élevé seule ses trois enfants alors qu’elle gagnait 9 $ de l’heure. Elle dit encore traîner des dettes de 14 000 $, majoritair­ement à cause de la nourriture.

Il n’est pas normal qu’une personne qui travaille à temps plein ait aussi peu de moyens, dénoncent des organismes de défense du salaire minimum à 15 $ l’heure.

« On dit aux gens que s’ils ne veulent pas être pauvres ils doivent aller travailler, mais le problème c’est qu’il y a des travailleu­rs qui sont pauvres quand même », dénonce Philippe Hurteau, chercheur à l’Institut de recherche et d’informatio­ns socio-économique­s (IRIS).

La famille Lalonde-Paquin, qui a passé un mois à se débrouille­r avec 210 $ par semaine pour se nourrir, a trouvé très difficile le stress engendré par la planificat­ion intensive des achats et le budget limité.

REVENUS INÉGAUX

« Il faut toujours faire de la gestion des stocks, prévoir ce dont on aura besoin, il n’y a pas de place à l’erreur dans la décision d’achat ou dans la préparatio­n. Tout est compté », raconte le père Denis Paquin.

« On n’a pas idée à quel point c’est un luxe de ne pas se poser de questions. Tout l’espace mental que ça offre d’être en mesure de jongler avec ses moyens. [Les gens au salaire minimum] ne peuvent se permettre aucun écart, ça prend de l’organisati­on, un contrôle de ses envies et ses désirs », insiste Virginie Larivière, porte-parole et organisatr­ice politique pour le Collectif pour un Québec sans pauvreté.

Le couple avait aussi un « avantage » puisqu’il pouvait compter sur l’équivalent de deux salaires à temps plein. Chacun connaissai­t aussi son horaire de travail à l’avance puisque tous les deux travaillen­t dans l’enseigneme­nt, ce qui leur permettait de mieux prévoir les repas.

« Pour beaucoup de gens qui sont au salaire minimum, les revenus sont très inégaux. Ils sont à la merci du nombre d’heures disponible­s. Ils n’ont presque pas le choix d’avoir un cellulaire pour rester branchés si on les appelle pour rentrer. Ils sont toujours dans l’urgence et n’ont pas les moyens de dire non. Ils ont souvent plus d’un emploi », explique Diane Gagné, professeur­e-chercheuse au Groupe de recherche interunive­rsitaire et interdisci­plinaire sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale.

Les gens qui vivent au salaire minimum peuvent aussi vivre une forme d’isolement social, ce qu’on a tendance à oublier, signale Mme Larivière.

OBJECTIF : MIEUX MANGER

« Il y a une certaine exclusion sociale due au fait que tu n’as pas les moyens de participer à ce qui se passe. Une mère au salaire minimum ne peut pas acheter les souliers dernier cri, avoir de traitement de canal ou acheter le gros morceau de boeuf pour le souper », cite-t-elle en exemple.

C’est pourquoi une coalition d’organisme demande un salaire minimum à 15 $, mais aussi 10 jours de congé payé par année pour maladie ou des responsabi­lités familiales et le droit de connaître son horaire cinq jours à l’avance.

« Quand on demande aux gens au salaire minimum ce qu’ils feraient s’ils avaient plus de revenus, ils répondent qu’ils mangeraien­t mieux : des fruits et légumes, de la viande, du fromage. C’est tellement primaire comme besoins qui ne sont pas comblés. C’est une faillite du contrat social, tu as encore faim même si tu as un travail », déplore Mme Larivière.

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PHOTO BEN PELOSSE Le contenu du garde-manger de la famille Lalonde-Paquin a été confisqué avant la veille du début de l’expérience.

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