Le Journal de Montreal

Cracher sur le peuple et se demander pourquoi il nous rejette

- mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au e Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r

On s’en souvient comme si c’était hier : en novembre 2016, à la surprise générale, Donald Trump remportait la course à la MaisonBlan­che.

Ce personnage improbable, conspué par les élites médiatique­s et intellectu­elles, triomphait contre Hillary Clinton, la candidate incarnant de manière presque caricatura­le la classe politique américaine.

CLINTON

Manifestem­ent, elle ne s’en est toujours pas remise. Elle se demande encore ce qui est arrivé. Comment le plouc milliardai­re, aussi inculte que grossier, a-t-il pu battre politiquem­ent celle qui se préparait depuis toujours à occuper le bureau ovale ? Elle ressasse et ressasse sa défaite.

Et c’est ce qu’elle a fait il y a quelques jours en Inde, dans une conférence, où elle a voulu l’expliquer à un auditoire étranger. Avec un sans-gêne époustoufl­ant, elle a expliqué à son public que même si elle a techniquem­ent perdu les élections, elle a néanmoins gagné dans les États qui représente­nt les deux tiers du PIB des États-Unis. Elle a ensuite ajouté qu’elle avait gagné ses élections dans les milieux sociaux dynamiques, privilégié­s, diversifié­s. En gros, elle a gagné chez les plus beaux, les plus intelligen­ts, les plus subtils, les plus raffinés. Pour le dire autrement, elle a remporté son pari présidenti­el dans la bonne Amérique. Il s’agit de la seule Amérique légitime, on l’aura compris.

Trump, quant à lui, n’a obtenu que l’appui des déclassés, des racistes, des sexistes, des ratés qui, tous, sont à la recherche d’un bouc émissaire pour expliquer leurs malheurs. Petit rappel : elle avait dit la même chose à quelques semaines de la présidenti­elle, en soutenant que la moitié des électeurs de Trump, au moins, étaient des paumés. « A basket of deplorable­s », pour la citer au mot.

Il faut dire que ce discours ne lui est pas exclusif. C’est à peu près le même qu’on a servi aux Britanniqu­es après la victoire du Brexit en 2016. En gros, quand le peuple vote mal, on lui explique qu’il nous dégoûte, qu’il n’est pas à la hauteur.

Faudra-t-il désormais accorder aux citoyens un permis de voter, qu’ils obtiendron­t en montrant qu’ils sont suffisamme­nt productifs pour l’économie mondialisé­e et idéologiqu­ement compatible­s avec le discours médiatique dominant ?

RÉVOLTE

Ce qui est fascinant, dans le discours de Clinton, c’est qu’il semble méconnaîtr­e une des raisons fondamenta­les du vote que l’on dit populiste, en ascension depuis quelques années. Ce vote, quoi qu’on en dise, s’alimente notamment du mépris des élites progressis­tes bon chic bon genre à l’endroit des classes moyennes et populaires, qui en ont assez de se faire cracher à la figure.

Elles veulent défendre leur identité ou s’opposent à la discrimina­tion positive ? On les accuse immédiatem­ent de racisme. Elles ne s’enthousias­ment pas pour la mondialisa­tion ? C’est qu’elles sont frileuses et fermées au monde. Et ainsi de suite. Donald Trump a su canaliser politiquem­ent cette révolte.

Le meilleur argument pour Donald Trump lors de la dernière présidenti­elle, c’était Hillary Clinton.

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Le mépris de Clinton est fascinant.

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