Deux heures d’attente pour une ambulance dans Lanaudière
Un enfant entre la vie et la mort doit attendre jusqu’à deux heures pour entendre une sirène d’ambulance à Manawan, une communauté autochtone au nord de Joliette, alors que la loi oblige les paramédics à répondre à un appel d’urgence en 30 minutes ou moins, dénonce le chef atikamekw Jean-Roch Ottawa.
« On dirait que la valeur de la vie atikamekw est moindre pour des considérations économiques et politiques », a soufflé hier Pierre Paul Niquay devant la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec.
En septembre 2009, M. Niquay (et son fils Jeffrey) ont attendu 90 minutes qu’une ambulance vienne au secours de sa petite-fille, Jaylia Jacob. Pendant cette attente interminable, il a demandé qu’on envoie un hélicoptère pour sauver la fillette, mais on lui a répondu que ça coûtait trop cher.
Il a fallu au total près de sept heures avant que l’enfant soit reçu au CHU Sainte-Justine de Montréal. Elle est morte 24 heures après que son père, Jeffrey Niquay, eut repêché son petit corps inanimé flottant sur un lac. Elle n’avait pas 3 ans.
DISCRIMINATION
Voilà des années que la communauté réclame en vain qu’une ambulance soit disponible sur place en permanence. À l’automne, Santé Québec a annoncé un investissement de près de 30 millions $ pour augmenter le nombre d’ambulances sur les routes, mais aucune n’a été assignée à Manawan.
Pour le chef Jean-Roch Ottawa, « les Atikamekw de Manawan sont, de toute évidence, victimes de discrimination par les autorités gouvernementales québécoises ».
La ville voisine, Saint-Michel-desSaints, compte deux ambulances et, chaque fois que l’une d’elles se rend dans la communauté atikamekw, toute la région est à découvert.
« Ça n’a pas de sens tout ça. On n’est pas dans la brousse, on est à 88 km de la ville la plus proche », a lancé l’infirmière Jolianne Ottawa, devant la commission.
Infirmière au dispensaire de Manawan, elle a tout tenté pour sauver la petite Jaylia. En septembre dernier, sept ans plus tard, le même cauchemar s’est répété. Cette fois, la fillette avait 8 ans. Elle s’appelait Sakay-Ann.
CORONER
« Ma fille serait là encore si on avait une ambulance », a témoigné le père de la petite, Almas Petiquay, devant la commission.
Entre les deux décès, un coroner qui a enquêté sur la mort de Jaylia a recommandé à Québec « d’examiner la pertinence d’implanter des services d’évacuation médicale par hélicoptère ».Mais sur le terrain, « rien n’a changé », a indiqué au Journal M. Niquay. « Combien de personnes on va encore enterrer avant que ça change ? », a-t-il demandé.