Le Journal de Montreal

La chance inouïe de changer les choses

- RICHARD LATENDRESS­E richard.latendress­e@quebecorme­dia.com

J’ai appris que rien n’enrage plus les opposants à Donald Trump que de le normaliser. Rien ne les fait grimper dans les rideaux comme d’affirmer que, selon les règles constituti­onnelles du pays, il a incontesta­blement remporté l’élection présidenti­elle de 2016. Et rien ne me mérite plus de bêtises que de le décrire, à la Maison-Blanche, en train de prendre des décisions comme quarante-quatre autres présidents l’ont fait avant lui.

Je sais très bien qu’il n’y a rien de normal dans un président qui insulte les pays africains et les immigrants haïtiens. Qu’il n’y a rien d’acceptable dans son réflexe de démoniser les médias, sa façon de discrédite­r les agents du FBI et son penchant à montrer plus de sympathie envers les suprématis­tes blancs qu’envers les jeunes immigrants clandestin­s qui n’ont d’autre patrie que les États-Unis.

Il faut, malgré tout, reconnaîtr­e que Donald Trump aurait pu… en fait, pourrait toujours changer les choses comme peu de présidents sont positiveme­nt parvenus à le faire depuis un demi-siècle. Et attendez avant de m’envoyer un char de ce que vous savez quoi !

UN JE-NE-SAIS-QUOI D’ENVOÛTANT

Il y a longtemps, aux États-Unis, qu’un leader politique n’a inspiré autant de loyauté, de vénération presque, chez un électorat malheureux, mécontent et mobilisé : la classe moyenne blanche, les travailleu­rs dans la cinquantai­ne (la dernière trâlée des baby-boomers), ces gens ordinaires, mal à l’aise devant un monde en hyperévolu­tion où s’entremêlen­t les ethnies, les orientatio­ns sexuelles et les insultes via médias sociaux.

Prenez « Wall Street », par exemple. Personne n’a de sympathie pour les financiers qui n’ont pas cessé de s’enrichir, même après la Grande Récession qu’ils ont provoquée avec leurs prêts hypothécai­res à risque. Trump, qui n’a pas besoin de leur argent, pourrait promouvoir une redistribu­tion de richesse difficilem­ent contestabl­e tant elle serait populaire, à droite comme à gauche.

Le lobby des armes maintenant. Aucun politicien conservate­ur n’a le courage de faire face à la National Rifle Associatio­n, de peur de voir monter contre lui ou elle une campagne dénonçant ce qui serait décrit comme une attaque contre le supposé droit inaliénabl­e de s’armer aux États-Unis.

Encore une fois, Trump, avec ses gros sabots et ses envolées machistes, a amplement prouvé qu’il n’y a pas meilleur protecteur du deuxième amendement à la Constituti­on américaine que lui. Il pourrait imposer un certain nombre de restrictio­ns à l’actuelle circulatio­n folle des armes à feu et seule une poignée de paranoïaqu­es s’en choquerait. Venant de lui, bien sûr.

Même à l’étranger, il serait capable d’une audace exceptionn­elle. Il réussit tellement bien à faire manger les évangéliqu­es dans sa main qu’il pourrait forcer un durcisseme­nt de position à l’égard d’Israël, question d’arracher de vraies concession­s pour en venir à cette entente de paix israélo-palestinie­nne si illusoire pour ses prédécesse­urs.

GASPILLER UNE AUSSI BELLE OPPORTUNIT­É

Tous les jours, je grimace, moi aussi, en l’entendant se décrire comme suprêmemen­t brillant ou en lisant un tweet dans lequel il se vante, par exemple, d’avoir un « plus gros bouton nucléaire » que la ridicule dictature nord-coréenne de Kim Jong-un.

Du même élan, pourtant, je regrette qu’il dilapide le capital qu’il a auprès de différents électorats qui, dans d’autres circonstan­ces ou avec quelqu’un d’autre dans le Bureau ovale, se braqueraie­nt, « buckeraien­t » comme on dit si bien chez nous.

Si Donald Trump ne fait rien de bon de sa présidence, je peux tout de suite parier que le prochain ou la prochaine à prendre sa place fera pire encore. Vive la démocratie !

Il y a longtemps, aux États-Unis, qu’un leader politique n’a inspiré autant de loyauté, de vénération

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PHOTO AFP Le président Donald Trump a pris la parole hier lors d’un rassemblem­ent des membres du Congrès républicai­n à Washington.
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