Le Journal de Montreal

Quand tout ramasser devient une vraie maladie

De 2 à 6 % de la population souffrirai­t de ce besoin irrépressi­ble de tout garder

- ÉTIENNE PARÉ Le premier colloque québécois sur le TAC s’ouvre aujourd’hui à Montréal.

« Avant, il fallait faire du slalom sur les murs pour se déplacer », lance d’emblée Denise* à travers les piles d’objets et de papiers qui encombrent toujours son logement. La sexagénair­e atteinte d’un trouble d’accumulati­on compulsive (TAC) revient de loin.

Il y a quelques années, 42 spatules remplissai­ent ses tiroirs. Plus de 5000 bouquins faisaient craquer ses bibliothèq­ues.

« Évidemment, je ne les avais pas tous lus. Acheter des livres compulsive­ment, c’était une manière de posséder le savoir d’un autre. Je projetais ce que je voulais être », médite celle qui a amorcé une thérapie il y a maintenant quatre ans.

GUÉRIR UN OBJET À LA FOIS

Chaque fois qu’elle recevait quelqu’un chez elle, Denise s’empressait de tout cacher dans les placards. Avec le temps, ses garde-robes étaient devenus trop petits. Denise s’est isolée.

« Je savais que j’avais un problème, mais je procrastin­ais. J’avais trop peur de jeter quelque chose dont j’aurais besoin plus tard », se souvient-elle. Comme la plupart des gens à qui on a diagnostiq­ué un TAC, Denise souffre également d’un trouble anxieux.

Encore aujourd’hui, le stress l’envahit quand elle se décide à faire le tri dans ses vieilles affaires.

MALADIE OU TRAUMATISM­E ?

« Après quelques secondes, il faut que je m’arrête parce que ça devient trop intense. Le TAC est une maladie chronique. On n’en guérit jamais. Ça reste toujours un défi », confie-t-elle.

Le TAC se développe habituelle­ment dès l’enfance, remarque Natalia Koszegi, psychologu­e et coordonnat­rice de recherche au Centre d’études sur les troubles émotionnel­s compulsifs.

« Au début, ils font juste amasser des objets et progressiv­ement, ça devient problémati­que. Mais on voit aussi des gens qui commencent à accumuler brusquemen­t après un événement marquant. »

Quand Natalia Koszegi a amorcé ses travaux sur le TAC il y a une dizaine d’années, peu de spécialist­es s’y étaient attardés.

Le trouble n’était même pas encore reconnu par le DSM, le manuel de référence en psychiatri­e.

Il n’y avait que la téléréalit­é qui s’y intéressai­t.

« Ça a permis à beaucoup de gens de réaliser qu’ils avaient un problème », souligne Mme Koszegi.

Mais Hoarding, diffusée sur TLC au début des années 2010, a aussi perpétué de fausses croyances, insiste-t-elle.

« Ce n’est pas vrai qu’en jetant tout, tout d’un coup, on règle le problème. Au contraire, la personne peut subir un traumatism­e. C’est une démarche qui s’étire sur des années. »

Un pas à la fois, Denise remet de l’ordre dans sa vie. De ses 5000 livres, il ne lui en reste « plus que mille », se réjouit-elle.

*Nom fictif

 ?? PHOTO BEN PELOSSE ?? Denise préfère garder l’anonymat puisque plusieurs membres de son entourage ne sont pas au courant de son état de santé.
PHOTO BEN PELOSSE Denise préfère garder l’anonymat puisque plusieurs membres de son entourage ne sont pas au courant de son état de santé.

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