Quand tout ramasser devient une vraie maladie
De 2 à 6 % de la population souffrirait de ce besoin irrépressible de tout garder
« Avant, il fallait faire du slalom sur les murs pour se déplacer », lance d’emblée Denise* à travers les piles d’objets et de papiers qui encombrent toujours son logement. La sexagénaire atteinte d’un trouble d’accumulation compulsive (TAC) revient de loin.
Il y a quelques années, 42 spatules remplissaient ses tiroirs. Plus de 5000 bouquins faisaient craquer ses bibliothèques.
« Évidemment, je ne les avais pas tous lus. Acheter des livres compulsivement, c’était une manière de posséder le savoir d’un autre. Je projetais ce que je voulais être », médite celle qui a amorcé une thérapie il y a maintenant quatre ans.
GUÉRIR UN OBJET À LA FOIS
Chaque fois qu’elle recevait quelqu’un chez elle, Denise s’empressait de tout cacher dans les placards. Avec le temps, ses garde-robes étaient devenus trop petits. Denise s’est isolée.
« Je savais que j’avais un problème, mais je procrastinais. J’avais trop peur de jeter quelque chose dont j’aurais besoin plus tard », se souvient-elle. Comme la plupart des gens à qui on a diagnostiqué un TAC, Denise souffre également d’un trouble anxieux.
Encore aujourd’hui, le stress l’envahit quand elle se décide à faire le tri dans ses vieilles affaires.
MALADIE OU TRAUMATISME ?
« Après quelques secondes, il faut que je m’arrête parce que ça devient trop intense. Le TAC est une maladie chronique. On n’en guérit jamais. Ça reste toujours un défi », confie-t-elle.
Le TAC se développe habituellement dès l’enfance, remarque Natalia Koszegi, psychologue et coordonnatrice de recherche au Centre d’études sur les troubles émotionnels compulsifs.
« Au début, ils font juste amasser des objets et progressivement, ça devient problématique. Mais on voit aussi des gens qui commencent à accumuler brusquement après un événement marquant. »
Quand Natalia Koszegi a amorcé ses travaux sur le TAC il y a une dizaine d’années, peu de spécialistes s’y étaient attardés.
Le trouble n’était même pas encore reconnu par le DSM, le manuel de référence en psychiatrie.
Il n’y avait que la téléréalité qui s’y intéressait.
« Ça a permis à beaucoup de gens de réaliser qu’ils avaient un problème », souligne Mme Koszegi.
Mais Hoarding, diffusée sur TLC au début des années 2010, a aussi perpétué de fausses croyances, insiste-t-elle.
« Ce n’est pas vrai qu’en jetant tout, tout d’un coup, on règle le problème. Au contraire, la personne peut subir un traumatisme. C’est une démarche qui s’étire sur des années. »
Un pas à la fois, Denise remet de l’ordre dans sa vie. De ses 5000 livres, il ne lui en reste « plus que mille », se réjouit-elle.
*Nom fictif