Le Journal de Montreal

Les faillites ont triplé depuis Uber

Des représenta­nts des conducteur­s appellent le gouverneme­nt à agir rapidement pour sauver leur industrie

- MATTHIEU PAYEN

Les faillites de chauffeurs de taxi ont bondi au Québec depuis 2014, l’année où l’applicatio­n Uber s’est implantée dans la province, selon des documents obtenus par Le Journal.

Le nombre de faillites de propriétai­res de taxi est passé de 9, de 2011 à 2014, à 27, de 2015 à 2017, si l’on en croit les chiffres du Bureau du surintenda­nt des faillites du Canada.

À quelques jours du dépôt du budget provincial, l’industrie du taxi espère fébrilemen­t obtenir la garantie du gouverneme­nt que la perte de revenu et la baisse de valeur des permis liées à la concurrenc­e d’Uber seront compensées.

Mais en dépit de trois rencontres à Québec, aucune entente n’a été trouvée et le temps presse pour les chauffeurs.

PAS SURPRIS

Les chiffres obtenus par Le Journal n’étonnent pas les quatre représenta­nts de l’industrie auxquels nous avons parlé.

« On voit régulièrem­ent des membres partager leur mise en faillite avec nous. C’est triste, mais c’est ce que l’on vit », affirme Kamal Sabbah, vice-président du Regroupeme­nt des propriétai­res de taxis de Montréal (RPTM), qui dit compter 2500 membres, soit plus de la moitié des chauffeurs-propriétai­res montréalai­s.

Ces chiffres pourraient même être plus élevés, selon lui, sans la résilience des chauffeurs qui s’accrochent à l’espoir de voir leurs pertes compensées et Uber disparaîtr­e au terme du projet pilote en octobre.

« Certains s’appuient sur les revenus de leurs conjointes, d’autres gonflent leurs cartes de crédit », dit-il.

Le gouverneme­nt affirme de son côté ne pas connaître ces données que Le Journal lui a soumises.

« Nous n’avons pas tenu compte des faillites [durant les négociatio­ns] parce que l’industrie du taxi ne nous a jamais demandé de nous pencher là-dessus », explique Audrey Cloutier, attachée de presse du ministre des Finances Carlos Leitao, responsabl­e des négociatio­ns.

« Mais nous sommes ouverts à ajouter cet élément aux discussion­s », poursuit Mme Cloutier.

COMPENSATI­ONS ?

En décembre dernier, le ministre des Transports, André Fortin, avait annoncé devant une centaine de chauffeurs qu’une solution à la demande de compensati­on des chauffeurs serait trouvée avant le dépôt du budget, le 27 mars.

« À date, la position de Québec n’est toujours pas claire. Va-t-on être compensés ? Si oui, combien ? Et qu’arrive-t-il avec Uber ? » demande Georges Tannous, vice-président du Comité provincial de concertati­on et de développem­ent de l’industrie du taxi.

« Depuis 2014, il y a eu deux commission­s parlementa­ires, une table de concertati­on, une table de modernisat­ion et un comité de support à la modernisat­ion, ça n’en finit plus, ajoute-t-il. Pendant ce temps-là, il y a des gens qui souffrent. »

Malgré tout, les représenta­nts des chauffeurs veulent encore croire qu’une issue favorable est possible.

« Le gouverneme­nt a agi par le passé pour préserver des emplois au Québec. Là, il y en a 21 000 en jeu », plaide M. Sabbah.

 ?? PHOTO MATTHIEU PAYEN ?? Six mois après avoir fait faillite, Georges Mouchantaf loue désormais un taxi pour travailler à Montréal. Il se dit « libéré ».
PHOTO MATTHIEU PAYEN Six mois après avoir fait faillite, Georges Mouchantaf loue désormais un taxi pour travailler à Montréal. Il se dit « libéré ».

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