Le Journal de Montreal

Les Oblats avaient-ils caché le père Joveneau au Québec ?

En France, les Oblats continuent de protéger un père recherché par le Canada pour agressions sexuelles

- Camille Garnier CGarnierJD­M

STRASBOURG, France | La communauté des Oblats en Europe a-t-elle voulu cacher au Canada un père dont elle connaissai­t le comporteme­nt d’agresseur sexuel ?

La question se pose plus que jamais lorsqu’on apprend que, même s’ils le croient partiellem­ent coupable, un religieux qui aurait agressé plusieurs enfants inuits est actuelleme­nt hébergé par les Oblats en France, à l’abri de la justice canadienne.

Le père Joannes Rivoire, 87 ans, habite dans une maison d’Oblats à Strasbourg. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt émis par la GRC il y a 20 ans pour des agressions sexuelles sur des Inuits, dans les années 60 et 70 au Nunavut.

Ce modus operandi, qu’un prêtre soupçonné d’agression sexuelle se déplace avant des poursuites, a été utilisé à plusieurs reprises (voir autres textes).

Malgré les apparences, les Oblats nient cacher Rivoire et le laisseraie­nt partir si la police venait l’arrêter.

En attendant, il est nourri et logé par les Oblats, qui soutiennen­t ainsi s’assurer qu’il ne puisse pas faire de nouvelles victimes.

PAS D’OBLIGATION

Certains Oblats, comme le père Rivoire, semblent profiter du manque de volonté des gouverneme­nts pour se mettre à l’abri de la justice, à l’étranger.

Le Journal s’est rendu à Strasbourg, dans le nord-est de la France, pour tenter de lui parler. Sur place, le religieux responsabl­e des lieux lui a refusé l’accès au père Rivoire, avant d’empoigner violemment par le bras le représenta­nt du Journal (voir autre texte).

PLUSIEURS CAS

Depuis vendredi, Le Journal rapporte que le père Alexis Joveneau, arrivé de Belgique en 1952, a fait d’innombrabl­es victimes d’agressions sexuelles, physiques et psychologi­ques jusqu’à sa mort en Basse-Côte-Nord, en 1992.

Les Oblats auraient-ils renvoyé en Belgique le père Joveneau s’ils avaient connu tous les sévices révélés par l’enquête du Journal depuis trois jours ou l’auraient-ils livré à la Justice ?

Impossible de le savoir, mais les Oblats du Québec admettent que des prêtres agresseurs se sont réfugiés en Europe dans le passé.

« On a eu quelques cas comme ça (comme Rivoire), qui nous ont glissé entre les doigts, qui étaient dans une maison de retraités », a dit le père provincial, Luc Tardif, lors d’une entrevue qu’il nous accordait récemment.

IL S’EST PASSÉ QUELQUE CHOSE

Le chef des Oblats français, Vincent Gruber, s’est entretenu plusieurs fois avec Joannes Rivoire dans les trois dernières années.

« Ce qu’il me dit, c’est qu’il ne reconnaît pas d’attoucheme­nts sur des garçons », a commencé par dire le chef oblat.

Questionné à savoir s’il avait interrogé M. Rivoire sur les filles, M. Gruber a soutenu que le père avait été évasif.

« Il n’a pas répondu clairement [au sujet des filles]... mais c’est mon intime conviction. Je pense qu’il s’est passé quelque chose. Voilà, si vous voulez savoir », a-t-il dit.

FUITE

Ces agressions ont été dénoncées pour la première fois en 1991 par une de ses victimes alléguées, Marius Tungilik, lors d’une audience de la Commission royale sur les peuples autochtone­s, sans toutefois nommer le père oblat.

L’homme est décédé en 2012 d’une intoxicati­on à l’alcool, après avoir mené un long combat pour obtenir justice.

En 1993, Joannes Rivoire s’est mis à l’abri des problèmes judiciaire­s en rentrant en France, affirmant devoir s’occuper de ses parents.

En 1998, lorsque le mandat d’arrêt de la GRC fut lancé contre lui, Rivoire coulait des jours tranquille­s dans une maison d’Oblats du sud du pays, à Goult.

« Je sens qu’il ne veut pas y aller [au Canada], ça c’est sûr », indique M. Gruber.

– Avec la collaborat­ion de Magalie Lapointe et l’aide de Mathieu Périsse et Mathieu

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PHOTO COURTOISIE Joannes Rivoire nie avoir jamais agressé des garçons, mais aurait laissé entendre avoir posé des gestes sur des filles mineures.
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PHOTO CAMILLE GARNIER La maison des Oblats de Strasbourg où vit Joannes Rivoire se trouve en face d’une cité universita­ire.
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