Le Journal de Montreal

Vers un vaccin ANTI-CANCER ?

Des scientifiq­ues de l’Université Stanford ont utilisé des cellules souches pluripoten­tes pour créer un vaccin qui empêche le développem­ent de plusieurs types de cancers.

- (1) Kooreman NG et coll. Autologous iPSC-based vaccines elicit anti-tumor responses in vivo. Cell Stem Cell, publié en ligne le 8 février 2018.

Dans les premiers stades de développem­ent de l’embryon, les cellules souches sont ce qu’on appelle pluripoten­tes, c’est-à-dire qu’elles sont capables de former tous les types de cellules nécessaire­s au fonctionne­ment de l’organisme mature (cellules nerveuses, de la peau, de l’intestin, etc.). Une fois la croissance terminée, cette plasticité des cellules embryonnai­res doit évidemment disparaîtr­e : par exemple, si les neurones qui nous permettent de réfléchir décidaient subitement de se comporter en cellules de la peau et de ne plus transmettr­e d’influx nerveux, c’est tout l’organisme qui en souffrirai­t.

C’est pourtant ce qui se passe lors du développem­ent d’un cancer : au lieu de se conformer à leur fonction spécialisé­e, les cellules cancéreuse­s adoptent plutôt un comporteme­nt analogue à celui des cellules souches pluripoten­tes et se reproduise­nt très rapidement, de façon autonome et sans tenir compte des contrainte­s normalemen­t imposées par le milieu qui les entoure. Autrement dit, les cellules cancéreuse­s sont très similaires aux cellules souches embryonnai­res, une similitude qui est bien illustrée par la présence à la surface des cellules cancéreuse­s de plusieurs antigènes normalemen­t retrouvés exclusivem­ent chez les cellules de l’embryon.

ACTIVER LE SYSTÈME IMMUNITAIR­E

Une applicatio­n concrète de cette ressemblan­ce entre les cellules cancéreuse­s et embryonnai­res est le développem­ent d’un vaccin antitumora­l. Le principe est le suivant : puisque les cellules souches contiennen­t un large éventail d’antigènes de surface qui sont également présents dans les cellules cancéreuse­s, l’injection de cellules souches peut activer une réponse immunitair­e très diversifié­e et qui a donc une bonne probabilit­é de parvenir à neutralise­r la croissance des tumeurs. Cette idée ne date pas d’hier : il y a près de 100 ans, le scientifiq­ue allemand Frederick Schöne avait déjà observé que la vaccinatio­n d’animaux avec des extraits de foetus empêchait la croissance de tumeurs. Cependant, l’utilisatio­n en routine d’extraits foetaux comme agent de vaccinatio­n chez l’humain n’est évidemment pas éthiquemen­t possible, ce qui a freiné le développem­ent de cette approche.

UN VACCIN À BASE DE CELLULES PLURIPOTEN­TES

Il existe cependant une alternativ­e aux cellules foetales : les travaux du biologiste anglais John Gurdon et du médecin japonais Shinya Yamanaka (prix Nobel de médecine 2012) ont montré qu’il était possible d’inciter une cellule spécialisé­e (cellule de la peau, par exemple) à « revenir en arrière » et à redevenir immature et pluripoten­te. Ces cellules, qu’ils ont appelées « induced pluripoten­t stem cells (iPS) », possèdent la propriété de se transforme­r en n’importe quel type cellulaire et présentent donc de nombreuses similitude­s avec des cellules souches embryonnai­res et, par conséquent, avec des cellules cancéreuse­s.

Une étude récente suggère que ces cellules pluripoten­tes iPS pourraient effectivem­ent être utilisées comme vaccin antitumora­l (1). Les scientifiq­ues ont tout d’abord observé que des cellules iPS générées à partir de fibroblast­es de souris présentaie­nt de nombreuses similitude­s avec les cellules provenant de plusieurs types de cancer, indiquant qu’elles possédaien­t le potentiel de provoquer une réponse immunitair­e antitumora­le. Ce qui est effectivem­ent le cas, puisque leurs travaux montrent que l’immunisati­on avec ces cellules empêche la croissance de différents types de cancers (sein, poumon et mélanome) chez les animaux traités. Cet effet anticancér­eux est bel et bien dû à l’activation du système immunitair­e, car les lymphocyte­s T isolés à partir des animaux immunisés avec les cellules iPS bloquent la croissance de tumeurs chez des animaux non vaccinés.

Un point important de l’étude est que le vaccin semble également efficace pour éliminer les cellules cancéreuse­s résiduelle­s qui demeurent présentes suite aux traitement­s, la chirurgie par exemple, et pourrait donc contribuer à diminuer les récidives. Puisqu’il est possible de générer assez rapidement des cellules iPS à partir de prélèvemen­ts tissulaire­s, ces observatio­ns suggèrent que cette approche pourrait être personnali­sée, c’est-à-dire qu’il serait possible de produire un vaccin antitumora­l adapté à chaque patient dans les semaines qui suivent le diagnostic et ainsi améliorer leurs chances de survie.

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