La décision de Walmart décriée
Le travail permet aux jeunes avec une déficience intellectuelle de s’accomplir, disent des parents
Des parents dénoncent la décision de Walmart d’abolir un programme qui remplissait de fierté et d’estime de soi leur enfant vivant avec une déficience intellectuelle.
« Je veux que mon fils devienne quelqu’un dans la société, pas qu’il soit tassé, mis de côté et qu’il s’enferme dans la maison. Je veux qu’il soit apprécié et qu’il côtoie des gens », confie Chantal Vincent, dont le fils Keven travaillait au Walmart de Trois-Rivières depuis six ans.
Ce travail, où il se rendait à pied quatre jours par semaine, peu importe la météo, le valorisait énormément, dit-elle.
« C’est aberrant et déplorable », poursuit-elle à propos de la décision de la multinationale.
PAS CONGÉDIÉS
Dans un courriel, une porte-parole de Walmart dit que l’entreprise « ne congédie pas d’employés ».
« Ces personnes ont participé à un programme volontaire coordonné par des agences locales qui se sont associées à nos magasins pour offrir un environnement dans lequel ils pourraient s’impliquer », écrit sa porte-parole Anika Malik, soulignant qu’y mettre fin était une décision difficile.
Keven Dupont, âgé de 27 ans, aimait servir les clients dans la section des jouets et des sports du Walmart. Quant à ses collègues, ils étaient rendus des amis, précise le jeune homme, qui a une déficience intellectuelle légère.
Il ne veut pas passer ses journées à la maison, car c’est trop long, ditil. Sa mère espère bien lui trouver un nouveau défi, parce qu’« il aime les gens ».
« C’est catastrophique pour les familles », déplore la directrice générale de l’Association du Québec pour l’intégration sociale, Anik Larose, aussi mère d’une fille trisomique.
« Les personnes avec des déficiences intellectuelles ont peu d’occasions d’avoir un travail, de sortir de chez eux et de côtoyer des collègues », souligne-t-elle.
Néanmoins, elle espère que la décision de Walmart, qui a soulevé la grogne populaire, permettra de revoir l’accès à l’emploi des personnes avec une déficience intellectuelle.
EXPLOITATION
« Payer 6 $ par jour, on a toujours considéré que c’était de l’exploitation. Pour certains parents, c’est mieux que rien, mais comme société, est-ce qu’on accepte ça ? » plaide-t-elle.
Sa propre fille gagne 4,36 $ par jour dans une usine de casques de construction. Puisqu’elle reçoit une prestation de solidarité sociale à cause de sa contrainte à l’emploi, gagner plus de 100 $ par mois lui ferait perdre ses prestations.
Pour François Huard, dont l’organisme L’Étape aide des personnes handicapées à se trouver un emploi, l’embauche peut pourtant être gagnante pour tous.
« La personne elle-même se réalise et se sent utile, l’entreprise a accès à des employés compétents et fidèles et la société gagne une personne productive », dit-il.
« HONTE À VOUS »
Fondatrice de la Coalition autisme Québec, Kathleen Salvail espère que la décision de Walmart n’aura pas un effet d’entraînement sur d’autres grandes entreprises qui participent aux plateaux de travail, qui sont des sous-groupes de travail pour mieux les encadrer.
« Honte à vous », lance à Walmart cette mère de jeunes enfants autistes. Comme bien d’autres parents, elle espère qu’elle pourra voir ses enfants continuer de s’épanouir une fois l’école terminée.
« Dans la foulée de la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle, notre gouvernement trouve déplorable une telle annonce », réagit quant à elle la ministre déléguée à la Réadaptation, Lucie Charlebois.