Le Journal de Montreal

Ventres à louer

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

Le député libéral fédéral Anthony Housefathe­r songe à déposer un projet de loi permettant aux Canadiens de rémunérer les mères porteuses.

Actuelleme­nt, au Canada, payer une femme pour qu’elle porte votre enfant est un crime passible de 10 ans de prison et de 500 000 $ d’amende.

Mais monsieur Housefathe­r (un nom de famille qui doit mettre Manon Massé dans tous ses états) veut changer la loi.

« Je crois qu’une femme peut décider d’être mère porteuse pour plusieurs raisons, a-t-il dit.

Je ne vois pas un grand problème si une femme décide que ça, c’est une avenue économique… »

LOUER SON CORPS

Monsieur Housefathe­r dirait-il la même chose à propos d’une prostituée ?

« Je ne vois pas de problème à ce qu’une femme qui tire le diable par la queue loue son corps pour arrondir ses fins de mois et payer son épicerie » ?

Probableme­nt pas. Il se garderait une petite gêne, pour ne pas choquer ses électeurs.

Pourtant, quand on y pense, il n’y a pas beaucoup de différence entre la prostituti­on et la gestation pour autrui.

La prostituée loue son sexe, ses fesses, sa bouche et ses seins. La mère porteuse loue son ventre.

Toutes les deux louent leur corps pour gagner leur vie. La première, pour une heure. La seconde, pour neuf mois. Jour et nuit.

Si je disais à mes amis : « Je suis allé dans un pays du tiers monde et j’ai payé une fille pour qu’elle couche avec moi », ils me regarderai­ent avec dégoût et mépris.

Mais si je leur disais : « Je suis allé dans un pays du tiers monde et j’ai payé une fille pour qu’elle porte mon enfant », ils me félicitera­ient et me demanderai­ent quand aura lieu le Grand Événement.

Pourtant, c’est la même exploitati­on.

Je profite de la misère d’un peuple pour louer — à bas prix — le corps d’une femme.

UN BEAU PAIN CHAUD

Vous pouvez être sûr que si on permet la rémunérati­on des mères porteuses, des femmes pauvres vont se mettre à louer leur ventre pour améliorer leur sort.

Dans certains villages d’Europe de l’Est, la gestation pour autrui est devenue un véritable business. Toutes les femmes louent leur ventre à des couples riches.

Une fois qu’elles accouchent, elles donnent leur bébé à leurs clients, attendent deux, trois mois, puis recommence­nt. On les appelle « les fours à pain ». Tu déposes un peu de pâte dans leur ventre, et elles te donnent une belle baguette fraîche. Vous trouvez ça normal ? Naturel ? Porter l’enfant d’un autre par altruisme ou par amitié est une chose. Le faire pour de l’argent en est une autre.

Ça pose des questions morales et éthiques importante­s.

Tomber enceinte ne devrait pas être un business.

On se plaint de l’emprise du fric dans nos vies. On dit que l’argent prend trop de place, qu’il n’y a plus rien de sacré pour l’économie de marché, que tout se monnaie, maintenant, tout se paie.

Et on voudrait transforme­r le ventre des femmes en usine ? Faire de la grossesse une occasion d’affaires ?

Traiter les enfants comme des produits, qu’on se fait livrer par Amazon ?

Pas sûr que ça soit une bonne idée…

Comme les prostituée­s, les mères porteuses louent leur corps…

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