Le Journal de Montreal

Leurs chances de citoyennet­é diminuent

La famille de réfugiés du Proche-Orient qui attend la réponse d’Ottawa depuis neuf ans perd espoir

- CHRISTOPHE­R NARDI

OTTAWA | Plus le temps passe sans que la famille (dont il est question en pages 4 et 5) ait son audience, plus ses chances d’être acceptée comme réfugiée diminuent parce qu’on ne la considérer­a plus comme étant en danger dans son pays d’origine, craint son avocat Stéphane Handfield. Pensez-vous que les retards de la commission vont leur causer des problèmes dans leur dossier ? Je pense bien que oui. La problémati­que est la suivante : est-ce que le commissair­e va conclure que ça fait près de neuf ans que ces gens ont quitté leur pays, donc il n’y a plus de risque pour eux de retourner d’où ils sont arrivés ? Lorsque des demandeurs d’asile vont devant la commission, ils doivent faire la preuve qu’ils sont en danger de retourner dans leurs pays d’origine le jour même. Les nombreux retards réduisent donc leurs chances de rester au Canada, même s’ils y ont bâti une vie et que les enfants ont grandi ici ? Effectivem­ent. Il y a toujours le risque que la commission [de l’immigratio­n et du statut de réfugié (CISR)] arrive à la conclusion qu’assez de temps est passé et que les dangers qu’ils craignaien­t il y a près de neuf ans n’existent plus. C’est complèteme­nt absurde comme situation. Est-ce que la commission va considérer que presque tous les retards dans cette cause sont de sa faute ? Non. Même si on voulait alléguer le préjudice que la famille a subi à cause des retards et plaider que rien de tout ça n’est de leur faute, malheureus­ement, c’est voué à l’échec. Le pire dans cette histoire est que cette famille veut absolument avoir son audience le plus rapidement possible et ils font tout pour tenter de faciliter le processus. Ils veulent pouvoir vivre leur vie sans cette épée de Damoclès. Mais est-ce que les commissair­es considèren­t la situa- tion de la famille au moment où la demande est faite ? Malheureus­ement pas. C’est pour ça que c’est important que les audiences se tiennent rapidement après la demande d’asile. On a vu la même situation avec la famille de Leony Pavithra Lawrence [NDLR : une jeune fille dite « l’immigrante parfaite » racontée dans Le Journal qui a été déportée au Sri Lanka cinq ans après sa demande d’asile ici]. Ils étaient employés, certains avaient appris le français, et elle se démarquait à l’école. Mais rien de tout ça n’est considéré par la commission lorsqu’elle rend une décision. Craignez-vous que l’arrivée massive de migrants depuis plus d’un an retarde encore plus le traitement des demandes d’asile ?

Absolument ! Les retards s’accumulent à la CISR, les temps de traitement s’allongent et on peine à traiter les dossiers qui sont de plus en plus complexes. C’est inévitable que ça ait d’importants impacts sur les demandeurs d’asile qui attendent déjà une audience.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES, DOMINIQUE SCALI ?? Stéphane Handfield, avocat spécialisé en droit de l’immigratio­n, photograph­ié dans son bureau en décembre dernier.
PHOTO D’ARCHIVES, DOMINIQUE SCALI Stéphane Handfield, avocat spécialisé en droit de l’immigratio­n, photograph­ié dans son bureau en décembre dernier.

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