Une métaphore de notre sort
Le lecteur pardonnera probablement au chroniqueur de profiter de la fin de saison à domicile du Canadien de Montréal pour inviter le sujet du hockey dans les pages avant du Journal.
Le hockey, au Québec, c’est social et c’est politique. On le sait depuis la suspension de Maurice Rocket Richard, provoquant une émeute chez les Montréalais. Comme Loco Locass le chante, c’est une métaphore de notre sort.
Robert Bourassa disait qu’il était plus facile de gouverner le Québec lorsque le Canadien gagnait. De même, le printemps 2012 n’aurait jamais été le théâtre d’une séquence ininterrompue de trois mois de manifestations nocturnes si nos plus si Glorieux avaient participé aux séries cette année-là.
MANQUE DE RESPECT
Je ne décolère pas devant la saison médiocre qui se termine, après que Marc Bergevin nous a privés de nos joueurs favoris et qu’il a démantelé sa brigade défensive, le tout en prétendant que le résultat serait meilleur sur la glace. Ce manque de respect envers les amateurs ne sera pas oublié de sitôt.
L’impensable se produit : on voit des bancs vides au Centre Bell et le matériel promotionnel des Maple Leafs de Toronto, honnis jusqu’à récemment, se vend mieux que celui du CH.
Sentence appropriée pour une organisation qui cultive la médiocrité, coupant toutes les têtes qui dépassent et tenant sa clientèle pour acquise. Une machine à perdre qui nous rappelle certains partis politiques.
C’est d’autant plus frustrant à voir que les Golden Knights de Las Vegas terminent la saison en tête de la Division Pacifique, du jamais vu pour une équipe d’expansion. Ces joueurs, venus de partout pour former une équipe alors qu’on en refusait une à Québec, ont rapidement su développer une chimie en se mettant au diapason de leur cité d’accueil. Ils ont terminé leur saison à domicile en retirant le numéro 58, nombre de victimes de la fusillade de l’automne dernier, survenue la veille de leur match inaugural.
Toute une leçon pour le Club de hockey Canadien. Tout comme la première place dans la Conférence de l’Ouest des Predators de Nashville, à qui on a échangé P.K. Subban.
DÉPOSSESSION
Le hockey professionnel québécois va mal.
Lorsque j’étais enfant, les Québécois se comptaient par centaines dans la grande ligue. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’une trentaine à faire partie d’un alignement régulier, deux fois moins qu’il y a 20 ans. Ils sont rendus tout aussi rares dans les équipes nationales canadiennes et il est devenu insolite d’entendre le nom d’un joueur de la LHJMQ prononcé parmi les premiers lors de la séance de repêchage annuelle.
La faute d’un système de hockey junior qui privilégie le volume sur l’excellence, pour remplir les poches de promoteurs locaux. Une organisation qui détourne les jeunes de l’école pour courir après une illusoire carrière professionnelle. De Rouyn-Noranda à Sherbrooke, le public en redemande et le commissaire Gilles Courteau fait chanter des municipalités de taille moyenne, comme Gatineau, Saguenay et Val-d’Or, pour qu’elles s’engagent dans des guerres politiques locales pour construire de nouveaux arénas.
Pour le sentiment de dépossession que nous ressentons devant notre sport national, on a beaucoup critiqué des Américains, Gary Bettman au premier chef.
Quand on regarde le bilan des Molson, Bergevin et Courteau, on ne peut pourtant faire autrement que de constater qu’il n’y a personne de mieux placé que des Québécois pour nous enlever le hockey qu’on aime.
C’est une métaphore de notre sort. On ne le dira jamais assez.