Le Journal de Montreal

Vive l’Amérique moyenne !

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Oh que ça fait du bien ! Dans un monde étouffé par la rectitude politique, où tout le monde doit pencher du même bord, la nouvelle mouture de la série américaine Roseanne, mettant en vedette une fervente pro-Trump, apparaît comme un vent de fraîcheur !

La série a fracassé des records d’écoute et on vient d’apprendre qu’il y aura une deuxième saison. Ouf, ça fait du bien d’entendre autre chose à la télé que le discours des bien-pensants donneurs de leçon habituels.

UN PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ

Il y a 20 ans, j’étais déjà fan de la série Roseanne, avec Roseanne Barr et John Goodman. Cette série mettait en vedette une famille ouvrière, bourrée de défauts. Des parents imparfaits, des ados désagréabl­es, bref, une série réaliste qui me faisait beaucoup rire avec ses références irrévérenc­ieuses.

Quand j’ai appris que la série revenait 20 ans plus tard, je n’ai pas du tout été surprise que le personnage de Roseanne soit une pro-Trump : c’est l’Amérique moyenne qui a porté ce gars-là au pouvoir !

Comme l’écrivait un commentate­ur dans le National Review, « Roseanne représente, avant la lettre, la base de voteurs blancs (de Trump), sans diplôme universita­ire, qui travaille fort, qui s’est appauvrie avec la désindustr­ialisation, et dont les préoccupat­ions n’ont pas été reflétées par le discours culturel ou politique du dernier quart de siècle ».

Ça m’a bien fait rigoler quand j’ai lu des textes, ici et aux États-Unis, traitant cette Amérique profonde avec mépris. « Comment une série télé ose-t-elle mettre en scène quelqu’un qui a voté pour ce monstre ? », écrivaient grosso modo ces progressis­tes en se pinçant le nez.

Mais c’est justement à cause du mépris et de la condescend­ance de l’élite que des millions d’Américains ont voté pour l’homme aux cheveux orange. « Il nous a parlé de job », dit le personnage de Roseanne à sa soeur (qui a voté Clinton), dans le premier épisode.

CHERCHEZ LA FEMME

La grande force de la série Roseanne version 2018, c’est qu’elle s’intéresse aussi à des sujets sociaux, bien de notre époque. Un exemple : le petit-fils de Roseanne aime bien s’habiller en fille. Roseanne et son mari se posent des questions, tout à fait légitimes, sur l’accueil que ses camarades de classe vont réserver au petit garçon en jupe et en vêtements à paillettes.

Les grands-parents ne sont pas homophobes ou transphobe­s, ils s’inquiètent seulement du bien-être de leur petit-fils, qu’ils aiment. C’est pour ça que j’aime Roseanne. Cette série ne cherche pas à diaboliser qui que ce soit. N’importe quel grand-parent va s’inquiéter que son petit-fils se fasse casser la gueule à l’école s’il est trop différent des autres, non ?

Une de mes répliques préférées de la série est lancée par le mari, interprété par John Goodman.

Quand sa fille lui dit : « Tu veux trop que mon fils soit masculin », John Goodman lui répond : « Quand est-ce que la “masculinit­é” est devenue un mot à proscrire ? »

LA QUESTION QUI TUE

Pensez-vous qu’on pourrait voir ça au Québec : une série dont le personnage principal aurait voté libéral, ou qui souhaite qu’on baisse les taux d’immigratio­n comme la CAQ ou encore qui aimerait un vrai débat sur l’avortement comme les conservate­urs ?

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