électrON La nouvelle aventure de Caroline Côté
L’aventurière montréalaise Caroline Côté se lance dans sa première expédition en solitaire : de Natashquan à Montréal, 2000 km en ski, à la course, en vélo, en trek… et en surprises.
On se rejoint dans un café de Verdun, la veille de son départ pour Natashquan. Je la sens plus nerveuse que lors de nos dernières rencontres. électrON est sa première aventure en solitaire.
« Jusqu’à ce matin, je me disais que ce serait de la détente de me retrouver seule avec moi-même pendant 80 jours et 2000 kilomètres, mais, ce matin, j’ai des appréhensions devant cette solitude imposée », raconte l’aventurière de 31 ans.
La jeune femme a déjà participé à plusieurs expéditions majeures : XP Antarctik (une traversée de l’Atlantique à la voile et 30 jours en autonomie sur la péninsule Antarctique) en 2014, Pull of the North (3200 km de canot à travers le Yukon) en 2016, Quamaniq en 2017 (100 km de course en sentier dans la toundra arctique pour aller à la rencontre des femmes inuits)….
Caroline avait un « petit trou » avant sa prochaine aventure prévue en 2019 (Sea To Ice Antarctique, qui inclut une épopée en voilier, du trek en montagne et de la grimpe), dans lequel s’est faufilé électrON.
« Hydro-Québec m’a approchée pour cette aventure. Elle recherchait quelqu’un qui soit capable de le faire, et de le rendre en images », dit la réalisatrice et cinéaste d’aventure. La société d’État ne s’est pas trompée.
SUR LE CHEMIN DES ÉLECTRONS
Le but du jeu ? Suivre les lignes électriques d’Hydro-Québec d’est en ouest, jusqu’à Montréal, sans jamais les perdre de vue, afin de représenter en image le long chemin que mène un électron en moins d’une seconde pour aboutir dans nos maisons. Une idée-campagne a priori charmante, qui, on le devine, exige un peu plus de réflexion lorsqu’elle quitte la salle de brainstorming de l’agence.
Samuel Ostiguy me montre sur une carte le chemin en question, strié d’une centaine de rivières à franchir. Caroline est allée chercher l’expertise de son ex-collègue de XP Antartik et ami afin de cerner la possibilité de réussir une telle expédition seule. L’architecte d’aventure a eu la mission de tracer un itinéraire sécuritaire dans un rayon d’au plus dix kilomètres des lignes électriques.
« On s’en éloigne de pas de plus de trois kilomètres », précise-t-il, visiblement fier. Samuel s’est aussi assuré que la planification de l’expédition, son monitorage sur place et les plans de sécurité en cas de pépin soient de béton.
Contrairement à Caroline, l’électron n’a pas à gérer les risques associés aux terrains, comme la traversée des cours d’eau et les surprises inévitables sur son chemin qui l’éloigneront du tracé prévu, ni à craindre ceux liés à la faune… les ours sortiront à peine de leur hibernation et ils seront particulièrement protecteurs de leurs bébés. Le danger le plus sérieux, selon les deux aventuriers, demeure toutefois le froid.
DÉCOUVRIR LE QUÉBEC AU PRINTEMPS
« Je suis un peu frileuse », dit Caroline, qui n’en est pourtant pas à sa première expédition par température hivernale. Quand on a des coéquipiers, on peut toujours s’entraider pour se réchauffer en cas de besoin », dit l’aventurière.
Tout sportif sait que pour ne pas prendre froid, il faut rester au sec. L’humidité est l’ennemi à éviter.
« Caroline devra traverser des rivières, et au printemps, la neige fond, le sol est boueux… l’eau est partout, explique Samuel Ostiguy. Tu échappes ton sac à dos, et tout devient trempé. Faire un feu dans ces conditions, c’est moins facile. »
Il n’était pas question pour l’équipe de se simplifier la vie en partant quelques mois plus tôt. L’hiver aurait alors assuré une progression simplifiée : du ski et la traversée de rivières gelées.
« En partant début avril, on va pouvoir partager les beautés du Québec sur pratiquement trois saisons. On prend le départ en hiver à Natashquan, et on arrive en été à Montréal », dit Caroline.
Quinze points de ravitaillement seront sur son parcours afin que l’aventurière puisse faire le plein d’énergie, de vêtements secs… et de social. Son parcours sera aussi ponctué de quelques rencontres auprès des communautés voisines des lignes.
« Ces moments me nourrissent. J’aime aller sur le terrain vers les gens qui vivent des réalités différentes. Quand on déconnecte, on connecte mieux avec soi-même, mais aussi avec les autres », dit Caroline.
VIVRE NOTRE HÉRITAGE
Je lui demande si elle ne trouve pas ironique de suivre la construction humaine en pleine nature sauvage, une mission en marge de celles habituellement préconisées en expédition.
« Ça fait partie de notre identité et de notre histoire. Tous ces monteurs de ligne, ce sont de véritables guerriers ! » explique Caroline Côté.
« Personne ne trouve que les lignes électriques embellissent le paysage, mais quand on se questionne sur ce que leur présence symbolise pour notre société, c’est quand même vraiment impressionnant, ajoute Samuel Ostiguy. On s’est posé comme défi d’aller le plus loin possible où il y a de l’eau, même si c’est complexe, pour en faire profiter notre société. »
Caroline Côté suivra ce même chemin, même si c’est complexe, pour qu’on puisse parcourir cet héritage culturel et naturel avec elle.