Les réalités palestiniennes
C’est comme marcher vers l’abattoir. Vendredi, des milliers de Palestiniens se sont rassemblés à la frontière de la bande de Gaza et d’Israël comme ils l’avaient fait une semaine plus tôt. La journée, comme la première fois, s’est terminée dans un bain de sang : une dizaine de Palestiniens tués par les soldats israéliens. Et ça va continuer ainsi pendant encore un mois. Ah, ce que le désespoir pousse à faire !
Le cliché le plus commun en décrivant la situation en Israël et dans les territoires palestiniens, c’est qu’il n’y a rien de simple. Ce l’est d’autant qu’on ne parvient même pas à s’entendre sur la réalité elle-même : deux personnes voient la même chose et racontent deux histoires contradictoires. Faisons le tri !
Il y a d’abord la réalité de l’occupation militaire israélienne. Les Palestiniens sont des citoyens de seconde zone, et la situation à Gaza est pire encore. Près de deux millions de personnes vivent sous blocus terrestre, maritime et aérien depuis plus de dix ans. On y manque de nourriture et d’eau potable, les coupures d’électricité sont constantes, le taux de chômage atteint 42 %, la pauvreté, près de 40 %.
Parallèlement, il y a la réalité du Hamas qui dirige la petite enclave des berges de la mer Méditerranée. La misère pousse à faire des choix radicaux, mais les islamistes, avec leur militantisme, leur intransigeance et leurs tirs de roquette contre les villes israéliennes, s’attirent immanquablement les foudres des autorités israéliennes.
Si les Gazaouïs souffrent, on peut difficilement avoir de la sympathie pour les dirigeants du Hamas, qui ne parviennent pas plus à s’entendre avec les Palestiniens du Fatah en Cisjordanie qu’avec les Égyptiens, au sud de la frontière. Méchante bande d’extrémistes !
JUIF OU ARABE, L’ÉTAT HÉBREU ?
La réalité de l’État hébreu ne facilite pas les choses. Il y a chicane de chiffres ces jours-ci, après un rapport déposé par l’armée israélienne à la Knesset, le parlement israélien. Selon le colonel Haim Mendes, sept millions de Palestiniens vivraient entre le fleuve Jourdain et la Méditerranée, alors que la population juive n’atteindrait que 6,5 millions de personnes.
Des données contestées, mais qui nourrissent une crise d’identité, alors que les juifs – qui, de par leur histoire, ont de bonnes raisons d’être paranoïaques – ne tiennent pas à se retrouver minoritaires dans leur propre patrie.
L’idée de reconnaître aux Palestiniens de Gaza ou d’ailleurs, comme les manifestants des deux derniers vendredis le revendiquent, un « droit de retour » sur la terre que leurs ancêtres ont quittée à la création d’Israël il y a 70 ans braque même les modérés au sein de la société israélienne.
LA CAUSE PALESTINIENNE ? QUELLE CAUSE PALESTINIENNE ?
Enfin, il y a la réalité de la négligence dont souffre le sort des Palestiniens. Que les soldats israéliens aient cru abattre des militants islamistes et des infiltrateurs ou que de purs innocents soient tombés sous les balles, les morts des deux derniers vendredis méritent une enquête indépendante.
Les États-Unis, aveuglément fidèles à Israël, ont bloqué au Conseil de sécurité de l’ONU la tenue d’une telle enquête. Et si vous regardez autour, les pays arabes, dont l’influente Arabie saoudite, se montrent plus disposés que jamais à reconnaître cette autre réalité, qu’Israël est là pour rester.
Trop souvent, les Palestiniens sont devenus, comme on dit en anglais, une
afterthought. Pénible de l’admettre, mais il nous a fallu ces deux derniers massacres pour se rappeler qu’il y a toujours un problème à régler dans ce coin du monde. C’est quand même cher payé.