MONTRÉAL RETOUR SUR L’IMAGE
1 LE COMPLEXE INDUSTRIEL DE RICHARD B. ANGUS
Le profil de ces quelques pignons dira quelque chose aux résidents de Rosemont. On ne les voit plus aujourd’hui, mais ils ont déjà fait partie d’un des plus grands complexes industriels du Canada : les ateliers Angus. Ces usines ont d’abord été situées dans Hochelaga avant de déménager dans Rosemont en 1903. Les quelques éléments de ce complexe qui sont encore visibles aujourd’hui dans le technopôle Angus (dont l’ancienne gare et l’usine avec son énorme grue à locomotive) donnent une idée de l’ampleur du site qui appartenait au Canadien Pacifique. L’entreprise fut cofondée en 1881 – avec Lord Mount Stephen – par l’homme d’affaires montréalais d’origine écossaise Richard Bladworth Angus, un grand bourgeois qu’on retrouvera aussi à la tête de la Banque de Montréal ou de l’Hôpital général de Montréal. Leur entreprise permettra le développement de tout l’ouest du Canada et fera de Montréal la métropole du pays et la plaque tournante des échanges commerciaux à la fin du 19e siècle.
2 DES LOCOMOTIVES ET BIEN PLUS !
Elles sont impressionnantes, ces énormes machines qui tirent à elles seules des tonnes de métal ! Les adultes qui participaient à cette visite en 1954 semblaient intimidés. De 1903 à 1991, les ateliers Angus, sur les 80 km de rails qui parcouraient la locoshop, ont produit et entretenu des milliers de locomotives avec tous les corps de métiers impliqués : des fondeurs aux riveteurs en passant par les pipefitters (ceux qui ajustaient la plomberie et les tuyaux). Les conditions offertes par l’employeur – grandes fenêtres, centres de formation, équipements de loisirs, clinique, etc. – étaient parmi les plus enviables à l’époque. Pendant la guerre, le travail des ouvriers a aussi servi à fabriquer environ 1700 chars d’assaut, dont le modèle Valentine, ainsi que des moteurs de navires de guerre. La paix revenue, l’usine s’est consacrée à l’entretien des trains, mais déjà l’industrie automobile prenait le pas sur le chemin de fer, dont les activités déclinaient.
3 UN QUARTIER ET DES TRAVAILLEURS
Le panneau à droite de la guérite indique l’entrée des employés. L’information est écrite en anglais, comme c’était presque toujours le cas à l’époque, mais les employés des ateliers étaient, eux, majoritairement francophones. Ucal-Henri Dandurand et son associé Herbert Holt étaient les promoteurs immobiliers qui avaient fait sortir de terre les habitations des employés de l’usine. C’est que ce secteur de Rosemont a vu sa population tripler en 10 ans avec l’arrivée de milliers de travailleurs de ce qu’on appelait « les shops Angus ». D’anciens ouvriers racontent que, dans les années 1950, on engageait dès la 9e année de scolarité (la 3e secondaire environ) pour un salaire de 29 $ par mois ! À l’époque, les quelque 10 000 employés de l’usine s’occupaient principalement de l’entretien des trains. Plusieurs des bâtiments de l’usine, fermée en 1991, ont été démolis. Ceux qui restent forment aujourd’hui le coeur d’un quartier dont la renaissance est un bel exemple de reconversion du patrimoine bâti.