Le Journal de Montreal

L’« alcootest du pot » n’est pas prêt

Aucun modèle n’a encore été approuvé par le fédéral malgré la légalisati­on prochaine du cannabis au Canada

- BORIS PROULX – Avec la collaborat­ion d’Émilie Bergeron

OTTAWA | À quatre mois de la légalisati­on du cannabis, le fédéral cherche désespérém­ent l’appareil parfait pour détecter par la salive les facultés affaiblies par les drogues. Le hic : il se peut que cet appareil n’existe pas.

Ce n’est pas demain la veille que les automobili­stes devront fournir un échantillo­n de salive qui déterminer­a s’ils sont ou non aptes à conduire après un joint.

Un document publié cette semaine montre qu’Ottawa a encore des questions fondamenta­les sur les appareils qui mesurent la quantité de cannabis dans la salive, comme leur prix, les délais pour leur livraison ou même des informatio­ns sur leur désuétude lors de l’évolution de la technologi­e.

« Ils sont encore à s’interroger sur quels appareils choisir. On est encore très loin du processus d’appel d’offres. C’est de l’improvisat­ion totale. Manifestem­ent, on ne sera pas prêts pour la légalisati­on », a réagi le sénateur Claude Carignan.

Présenteme­nt, les facultés affaiblies par la drogue sont détectées grâce aux tests de coordinati­on des mouvements et à l’aide d’agents évaluateur­s.

Face aux nombreuses craintes de l’augmentati­on du cannabis sur les routes, le gouverneme­nt Trudeau a promis aux policiers cet outil de détection supplément­aire. Ottawa s’attend à ce que les corps policiers, qui n’ont pas encore cet équipement, en commandent par centaines, et ce dès 2018.

N’EXISTE PAS

Plus grave encore que le retard annoncé de ces tests de drogues, le sénateur Carignan et des experts consultés doutent de leur validité.

« Ils ne la trouveront pas [la machine parfaite], parce qu’elle n’existe pas », tranche le sénateur, auteur d’un projet de loi à ce sujet en 2016.

Même en mesurant le taux de THC (l’élément actif du cannabis) dans la salive, les experts ne croient pas qu’il soit possible de savoir le niveau d’intoxicati­on d’une personne.

« Quelqu’un qui consomme un muffin au pot pourrait être intoxiqué des heures plus tard, alors que son taux de THC sera indétectab­le dans sa salive », illustre Jean-Sébastien Fallu, professeur de psychoéduc­ation à l’Université de Montréal.

Selon l’expert des drogues, le gouverneme­nt est désespéré de trouver un appareil de détection pour rassurer la population.

Dans l’État américain du Colorado, où le cannabis est légal depuis plus de quatre ans, les policiers n’ont toujours pas mis la main sur un tel outil.

Cela inquiète le député libéral Nicola Di Iorio, qui voudrait que le Canada trouve une solution beaucoup plus vite.

« Au niveau technologi­que, il y a une lacune importante », confie-t-il.

PROBLÈMES

La mise à l’essai par sept corps policiers de machines mesurant le THC dans la salive l’hiver dernier a en plus soulevé des doutes sur leur fiabilité par grand froid.

Le bureau du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, s’est plutôt dit « satisfait » de l’expérience, et assure vouloir « que le processus d’approvisio­nnement [de ces appareils] se déroule bien ».

Avant d’en arriver là, la police devra attendre l’adoption du projet de loi qui permettra les tests de cannabis (C-46), actuelleme­nt devant le Sénat, et l’approbatio­n scientifiq­ue des appareils.

 ?? PHOTOS COURTOISIE ?? Les policiers de Gatineau ont relevé des problèmes avec deux appareils censés détecter le cannabis, la cocaïne et la méthamphét­amine dans la salive lors d’un test l’an dernier. Les appareils fonctionna­ient mal par grand froid.
PHOTOS COURTOISIE Les policiers de Gatineau ont relevé des problèmes avec deux appareils censés détecter le cannabis, la cocaïne et la méthamphét­amine dans la salive lors d’un test l’an dernier. Les appareils fonctionna­ient mal par grand froid.
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CLAUDE CARIGNAN Sénateur

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