Le Journal de Montreal

Allégories glacées

La troupe Le Patin Libre présente sa nouvelle création : Threshold

- SAMUEL PRADIER

La troupe Le Patin Libre a usé la glace de l’Aréna Saint-Louis, du quartier Mile-End à Montréal, hier soir, transformé­e pour l’occasion en théâtre éphémère, lors de la première mondiale de sa nouvelle création Threshold (Seuil).

Dès son arrivée, le public est invité à s’asseoir sur des chaises installées directemen­t sur la glace, à chacune des extrémités de la patinoire. Le reste de la glace devient l’espace de jeu des cinq danseurs-patineurs (Pascale Jodoin, Jasmin Boivin, Taylor Dilley, Samory Ba et Alexandre Hamel).

Mélange original entre la danse contempora­ine et les figures classiques du patinage artistique, la troupe emprunte les éléments forts des deux afin de se créer un nouveau langage propre. On reconnaît les grandes envolées des bras qui servent, par exemple, de ballants aux patineurs de vitesse, mais on est aussi témoin de la volupté des corps qui ondulent au rythme des sonorités musicales en se déplaçant en troupe serrée, comme des oiseaux.

Quand ils se mettent à tourner en rond, chacun à leur vitesse, les danseurs se transforme­nt en planètes qui font des révolution­s dans l’espace, en ayant tous leurs propres trajectoir­es, sans qu’ils ne se touchent ou se bousculent.

Contrairem­ent à Crystal, la récente production sur glace du Cirque du Soleil qui nous racontait une histoire linéaire, Threshold (Seuil) puise davantage dans une démarche chorégraph­ique et artistique basée sur le potentiel de la glisse.

PROUESSES ET ESTHÉTISME

Alternant des prouesses de rapidité ou de force avec des moments d’arrêts bruts et nets, ou des mouvements automatiqu­es, le spectacle nous amène sur la fine frontière entre l’harmonie et l’affronteme­nt, la vitesse et le ralenti.

Les sons sont tout aussi dichotomiq­ues, entre les rythmes harmonieux et les bruitages plus étranges, sans compter le crissement des lames sur la glace qui devient un élément musical à part entière.

Le duo-duel des deux garçons, au début de la seconde partie, illustre parfaiteme­nt la difficile harmonie du monde, comme un affronteme­nt entre le yin et le yang. Mais on reste dans un message d’espoir puisque, dans la dernière scène du spectacle, les patineurs vont inlassable­ment tracer le signe de l’infini sur la glace.

Threshold (Seuil) n’est pas dans la prouesse ou la démonstrat­ion, mais plutôt dans l’esthétisme d’un langage chorégraph­ique sur glace, à l’opposé de celui auquel les compétitio­ns du genre nous ont habitués.

Avant de partir en tournée en Europe et aux États-Unis, le spectacle est présenté à l’Aréna Saint-Louis jusqu’au 22 avril.

Newspapers in French

Newspapers from Canada