Le Journal de Montreal

LES INNUS VEULENT DÉTERRER LE MONSTRE DE LA CÔTE-NORD

Les Innus tentent de retirer du cimetière la dépouille de celui qui les a agressés pendant 39 ans

- MAGALIE LAPOINTE

UNAMEN SHIPU | Des victimes du père oblat Alexis Joveneau veulent déterrer les ossements de celui qui leur a fait vivre un véritable enfer pendant 39 ans, car ils considèren­t qu’il n’a pas sa place dans leur cimetière.

Il y a près de trois semaines, Le Journal a révélé des témoignage­s accablants de victimes de Joveneau qui ont subi des agressions sexuelles et physiques. Celui-ci a oeuvré 39 ans auprès de cette communauté, soit de 1953 jusqu’à son décès, en 1992. Il a également organisé une déportatio­n avec le gouverneme­nt fédéral ainsi que des mariages forcés.

PREUVES ACCABLANTE­S

Devant les preuves accumulées par Le Journal, dont des lettres d’amour écrites de la main du bourreau, les Oblats ont été obligés de reconnaîtr­e les faits et de s’excuser.

Des Innus d’Unamen Shipu se préparent maintenant à déterrer la dépouille du prêtre pour la donner à la congrégati­on religieuse des Oblats de Marie-Immaculée.

« Je travaille pour mes membres. S’ils veulent le déterrer, on va s’exécuter, a dit le conseiller d’Unamen Shipu, Normand Junior Bellefleur. Si ça peut les aider à oublier le père Joveneau, on va le faire. J’espère que les Oblats vont venir le chercher pour que mes membres se sentent bien, et surtout pour qu’ils puissent retrouver la paix. »

Les pères oblats n’ont pas rendu les appels du Journal.

DEVANT LES AUTRES

Dans la communauté de 1100 habitants, la croix de Joveneau est à l’entrée du cimetière. Celui que l’on surnomme le monstre de la Côte-Nord avait pris soin de demander aux Innus de l’enterrer à l’entrée du cimetière.

Les Innus vouent un profond respect aux personnes décédées. Ils ne veulent plus aller se recueillir face à la croix de Joveneau, maintenant que tous les abus ont été révélés.

Pierrette Mestenapéo s’est fait agresser sexuelleme­nt au confession­nal par le prêtre. Elle habite en face du cimetière. Chaque fois qu’elle coud, elle a comme paysage la croix sous laquelle repose son agresseur. « Je le vois tous les jours et mon esprit revit toujours ça », avait raconté Mme Mestenapéo.

DE LA BELGIQUE POUR LE DÉTERRER

La nièce de Joveneau, Marie-Christine Joveneau, qui a été agressée sexuelleme­nt toutes les nuits pendant près de neuf mois alors qu’elle s’était rendue dans la communauté pour y travailler, en 1981, tient à être présente lorsque son oncle sera déterré dans quelques semaines.

Elle entend donc faire le voyage de la Belgique à Unamen Shipu afin d’assister à l’événement.

Elle considère que son oncle doit reposer avec les autres Oblats, et non dans la communauté qu’il a manipulée.

« Il est important pour moi que les victimes de Joveneau soient présentes à cette première forme de condamnati­on à titre posthume, dit-elle.

« L’agresseur ne mérite pas de reposer dans un cimetière d’une communauté où encore beaucoup de victimes sont confrontée­s à cette stèle. Sa place est ailleurs. »

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PHOTO D’ARCHIVES Le père Alexis Joveneau a agressé des dizaines d’enfants dans la communauté d’Unamen Shipu durant les 39 ans où il y est demeuré avant son décès, en 1992. Sa croix (en mortaise) est bien en vue à l’entrée du cimetière innu, mais la dépouille pourrait...
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NORMAND JUNIOR BELLEFLEUR Conseiller
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