Le Journal de Montreal

Le syndrome de Pinocchio

- JOSÉE LEGAULT josee.legault@quebecorme­dia.com

Hélas, le mensonge fait partie du paysage politique depuis des temps immémoriau­x. Qu’on l’appelle duperie, demi-vérité ou spin, mentir est un des principaux outils de la communicat­ion politique. Le phénomène est indéniable.

Pour le bien de la démocratie, la question se pose néanmoins : doit-on l’accepter pour autant ? Réponse : non. L’exemple le plus récent est sûrement celui de Vincent Marissal. Huit jours après l’annonce de sa candidatur­e à l’investitur­e de Québec solidaire dans Rosemont – et après l’avoir nié bec et ongles –, il avouait mercredi soir qu’il avait « menti ».

Son mensonge est celui d’être resté muet sur ses propres approches répétées auprès du Parti libéral du Canada (PLC). Soit pour en devenir candidat ou pour travailler au bureau de Justin Trudeau.

DEMANDE EN MARIAGE

« Qu’on passe à autre chose », demande maintenant l’ex-chroniqueu­r politique. Or, ce n’est pas si simple. Ce mensonge, après tout, n’est pas anodin. Ses approches auprès du PLC s’étendent sur au moins quatre ans, et ce, jusqu’en janvier dernier. Une telle insistance, ce n’est plus un flirt. C’est une demande en mariage.

Une cour aussi longue et assidue laisse nécessaire­ment supposer que M. Marissal partageait jusqu’à tout récemment la vision centriste et fédéralist­e du PLC. Le problème est que cette même vision est aux antipodes de celle de QS, un parti se disant souveraini­ste pressé et de gauche.

Toute personne a bien évidemment le droit de changer d’idée, mais quand l’écart est grandissim­e comme celui-là, force est de se méfier d’un virage idéologiqu­e aussi marqué et rapide.

Bref, dans toute cette histoire, les invraisemb­lances ne manquent pas. Une autre est l’affirmatio­n de M. Marissal voulant qu’il soit depuis longtemps un « indigné souveraini­ste et de gauche ». Dans ce cas, pourquoi avoir approché le PLC jusqu’en janvier 2018 ?

VIRGINITÉ POLITIQUE

Ce mensonge, même avoué, n’est pas sans conséquenc­es néfastes. Pour M. Marissal, il est vrai que seuls les électeurs de Rosemont en jugeront le jour du 1er octobre. Il n’en reste pas moins qu’en politique, comme en amour, le mensonge – surtout un gros –, brise le lien de confiance envers son auteur. Une autre question se posant d’office : mentira-t-il à nouveau et si oui, sur quoi ?

Pour Québec solidaire, coincé à 9 % selon le dernier sondage Léger/LCN, l’impact n’est pas rose non plus. Pour un parti se voulant irréprocha­ble sur le plan éthique, l’affaire Marissal vient de lui faire perdre sa précieuse virginité politique.

En pardonnant après-coup le mensonge de M. Marissal, ses dirigeants montrent également qu’à l’instar des « vieux partis », même chez QS, la fin peut très bien justifier les moyens. Quel dommage, dans tous les sens de l’expression.

En 1997, André Pratte, sénateur et ex-collègue de Vincent Marissal à La Presse, signait un livre cinglant : Le Syndrome de Pinocchio : essai sur le mensonge en politique. De toute évidence, sa thèse voulant que le mensonge mette « sérieuseme­nt en péril les fondements mêmes de la démocratie dans nos sociétés » est toujours actuelle. Malheureus­ement…

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Le mensonge de Vincent Marissal, même avoué, n’est pas sans conséquenc­es néfastes.
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