Inquiet d’avoir « blessé » quelqu’un
Lors de son appel au 911 après le drame, Alexandre Bissonnette a dit qu’il « ne ferait pas de mal à personne »
QUÉBEC | Treize minutes après avoir tué six personnes à la grande mosquée de Québec, Alexandre Bissonnette a contacté le 911 et il voulait être rassuré sur le fait que « personne n’avait été blessé ».
D’un ton calme, posé, détaché, Alexandre Bissonnette mentionne d’entrée de jeu au répartiteur que le tireur du centre culturel islamique, c’est lui. Personne d’autre.
Toutefois, un peu à la façon « Docteur Jekyll et Mr. Hide », Bissonnette semble se dédoubler, passer des larmes au rire désespéré, de la bonne collaboration à l’envie « de se tirer une balle dans la tête ».
Tout au long de l’appel, c’est le répartiteur Simon Labrecque qui, avec beaucoup de patience, a gardé le tireur au bout du fil alors que celui-ci menaçait de se suicider.
« OK, Alex. Tu restes avec moi OK ? Faismoi une promesse OK ? Celle qu’on va faire ça ensemble, toi et moi », a-t-il dit au jeune meurtrier qui a immédiatement accepté de collaborer. « Je te le jure sur ma tête », a-t-il dit.
LE TON CHANGE
Huit minutes après le début de l’appel, le ton de Bissonnette change. Il souffle. Respire fort. Pleure. « Y a personne qui a été blessé au moins ? » demande-t-il, l’inquiétude perçant sa voix.
Cette question, il l’a posée à deux autres reprises et il ne semblait pas comprendre pourquoi le répartiteur ne connaissait pas la réponse.
« Tu sais, moi, je ne ferais pas de mal à personne. J’ai jamais fait de mal à personne », a alors ajouté le jeune homme qui venait de tuer six personnes et d’attenter à la vie de 40 autres.
Au fil de la conversation, les deux hommes vont échanger. Un échange morbide lorsque l’on sait ce qui s’est produit à la mosquée.
Durant de longues minutes, ils ont parlé de littérature, de cinéma, du travail d’un répartiteur.
Bissonnette a mentionné être « un joueur d’échecs » et dit qu’il étudiait en science politique à l’Université Laval.
À 20 h 59, Bissonnette dit au répartiteur que les policiers lui demandent de sortir de la voiture.
« Fais ce qu’ils te disent Alex… T’as bien fait ça. Je suis fier de toi », a ajouté Simon Labrecque.
Les premières images de l’interrogatoire vidéo ont également été présentées, hier, en fin de journée.
On y voit alors un Bissonnette vêtu de blanc se replier sur sa chaise, essuyer ses yeux les mains serrées en poing, toucher sa poitrine au niveau du coeur, avoir envie de vomir.
Lorsque l’enquêteur Steve Girard lui a demandé s’il se souvenait de l’appel logé au 911, Bissonnette, surpris, a répondu : « Ah, ouin… j’ai appelé le 911 ?... Oui, oui… je m’en souviens… c’est comme un flash... »
Pour sa part, le père de Bissonnette, présent dans la salle, a à quelques reprises fait un tendre sourire à son fils. Encouragement silencieux pour celui qui risque la prison à vie sans possibilité de libération avant 150 ans.