Le Journal de Montreal

Sale campagne en vue

- denise.bombardier @quebecorme­dia.com

Ceux qui croyaient qu’avec un premier ministre lettré, formé à l’humanisme du système d’éducation français au collège Stanislas à Montréal, le Québec serait dirigé par un politicien peu tenté par la démagogie sont obligés de se rendre à l’évidence. Ils se sont trompés.

L’ancêtre du premier ministre, Guillaume Couillard de Lespinay, fut le premier colon anobli par Louis XIV, son grand-père maternel fut un scientifiq­ue français reconnu et son père un éminent professeur de biologie. Sa mère, française, fut attirée par l’indépendan­ce du Québec du Rassemblem­ent pour l’indépendan­ce nationale (RIN). Philippe Couillard a baigné dans un milieu raffiné où il a appris le sens des mots, car ses parents appartenai­ent à l’élite intellectu­elle de l’époque.

Or le pouvoir a transformé Philippe Couillard. Il se révèle désormais bagarreur de rue. Son antination­alisme impose sa loi aux libéraux. Ses adversaire­s, nationalis­tes, représente­nt la quasi-totalité des francophon­es. Or le parti libéral reçoit actuelleme­nt l’appui de 75 % des anglophone­s et des allophones, mais seulement 16 % des francophon­es.

CAMPAGNE ANTINATION­ALISTE

Sa langue fourchue était en évidence cette semaine lorsqu’il a qualifié de « véritables citoyens » ceux qui appuient ce qu’il considère comme les « véritables enjeux » de son Québec par rapport aux « enjeux imaginaire­s » de François Legault. Ce dernier se préoccupe, on le sait, comme la majorité des francophon­es, du port des signes religieux par les agents de l’État, un enjeu insignifia­nt aux yeux du premier ministre.

Sensible à la sémantique, j’en déduis que Philippe Couillard départage les « vrais citoyens » qui pensent comme lui des « faux » qui le confronten­t.

Après sa célèbre dénonciati­on de ceux qui « soufflent sur les braises de l’intoléranc­e », après le « nationalis­me ethnique » de son ministre Leitao, après l’attaque de la ministre Stéphanie Vallée contre François Legault, qu’elle a accusé de ne défendre que les Blancs (autre façon de viser les nationalis­tes), on a une idée peu ragoûtante de la campagne électorale à venir.

Bien qu’il ait reculé devant le tollé sur sa décision de mettre sur pied un comité d’étude sur le racisme systémique, Philippe Couillard a bien l’intention de diaboliser la CAQ et son chef François Legault dont on connaît la difficulté à éviter les chaussetra­ppes du premier ministre et de ses collègues.

RISQUE DE DÉRAPAGE

Le Parti québécois, sans référendum, son épée de Damoclès, n’est plus dans la mire des libéraux. La CAQ, résolument fédéralist­e, ne peut prêter flanc à ceux-ci. C’est donc sur le thème explosif, corrosif et éminemment toxique du nationalis­me raciste, islamophob­e et xénophobe que risque de déraper la campagne électorale.

Il est fort à penser que le Parti libéral va jouer son va-tout durant les mois à venir.

Tous ceux qui ont vécu les campagnes référendai­res se souviennen­t des outrances verbales et des déchaîneme­nts diffamatoi­res de certains, allant jusqu’à comparer publiqueme­nt René Lévesque à Hitler.

Il faut craindre une campagne électorale identitair­e où les libéraux pour qui la fin justifiera les moyens tireront à boulets rouges sur la CAQ.

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DENISE BOMBARDIER Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure
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L’antination­alisme de Couillard impose sa loi aux libéraux.

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