Le cul-de-sac
Il y a 26 ans, Francis Fukuyama, un intellectuel américain influent dans les milieux conservateurs, publiait un essai fort remarqué intitulé La fin de l’histoire.
Sa thèse était simple : dans le combat des idées, la démocratie libérale avait gagné. Cette idéologie représentait l’horizon indépassable de l’Histoire.
Eh bien, j’ai l’impression, depuis quelque temps (et je suis sûr que je ne suis pas le seul), d’assister à une sorte de « fin de l’histoire » au Québec.
Comme si l’évolution du Québec était entrée dans une ère glaciaire.
EN ATTENDANT GODOT
Vous n’avez pas la même impression? Comme si tout avait cessé d’évoluer, il y a 15 ans.
Comme si le Québec était en hibernation.
On ne croit plus à la souveraineté. On ne croit plus au Beau risque. On ne croit plus que le Canada va rouvrir le dossier constitutionnel. On ne croit plus à la société distincte. On ne croit plus au fédéralisme renouvelé ni au fédéralisme asymétrique.
On a tout essayé, et rien n’a fonctionné. On se retrouve dans un cul-de-sac. Et on ne sait plus quoi faire. Comme si on avait joué toutes nos bonnes cartes et qu’on se retrouvait avec un deux de carreau et un trois de pique dans les mains.
On fait quoi, avec deux cartes pareilles ? On bluffe ? Ça fait 42 ans qu’on bluffe ! Regardez le PQ. On dirait un militant communiste après la Chute du Mur et la dislocation de l’URSS.
Il tourne en rond, il se cherche. Un jour, il est écolo. Le lendemain, il veut aider les PME.
Il est pour la séparation, mais ne veut pas parler de référendum.
Il attend les conditions gagnantes comme Vladimir et Estragon attendent Godot.
Il flirte Manon Massé, tout en essayant de tirer le tapis identitaire sous les pieds de François Legault. Il ne sait pas, il ne sait plus. Il est perdu.
LE « REBOUND »
Et pendant ce temps, le vote allophone et anglophone garde le PLQ à flot, quoi qu’il arrive.
La situation démographique est telle que les libéraux n’ont même plus besoin des francophones pour garder la tête hors de l’eau.
Il y a bien la CAQ, qui essaie de brasser la cage et de briser la glace qui retient le Québec captif, mais la CAQ, c’est quoi ?
On ne le sait pas trop. Même eux ne sont pas sûrs.
La CAQ, c’est « Ni oui ni non, bien au contraire ».
Des taches d’encre sur une page blanche. On y voit ce qu’on veut bien y voir.
La CAQ, c’est le « rebound », la fille que tu fréquentes quand tu sors d’une longue relation.
Elle t’amuse et t’aide à cicatriser tes plaies, mais disons que ce n’est pas le grand amour.
On n’enverra pas les faire-part demain matin. Elle fait la job en attendant. En attendant quoi ? C’est la question à 100 000 $. On ne sait pas. On a de la difficulté à imaginer la suite.
PARKING
La seule chose qu’on sait, c’est qu’on veut du changement. Mais changer pour quoi? Pour aller où? On l’ignore. On tourne en rond comme un gars qui ne se souvient pas où il a stationné son char.