Le Journal de Montreal

Expliquer l’inexplicab­le

- ILLUSTRATI­ON NATHALIE SAMSON

En m’asseyant devant l’ordinateur pour écrire ma chronique, j’ai eu envie de vous parler de cet horrible accident impliquant les Broncos de Humboldt, survenu la semaine dernière. J’ai regardé la page blanche sur mon écran et je n’arrivais pas à trouver les mots ni même l’angle pour expliquer l’inexplicab­le.

J’avais en tête les mêmes images que lorsque j’apprends le décès soudain de quelqu’un. Je l’imagine se lever de bonne humeur, sourire au visage, prêt à affronter ce que la vie a décidé de mettre sur son chemin. Puis bang ! La mort.

On sait tous que la vie est pleine de surprises, qu’elle a sa façon de nous confronter, de nous faire grandir à travers les épreuves. Mais la mort ? On refuse de l’envisager. Elle ne croise jamais nos pensées.

On a tous en tête qu’on est censés mourir de vieillesse sur un lit. On a beau savoir que personne n’est à l’abri, on évacue cette idée de notre quotidien.

JEUNESSE VOLÉE

J’imagine tous ces jeunes monter à bord de l’autobus avec la belle camaraderi­e d’une équipe de hockey qui part sur la route. J’ai vécu ces voyages. C’est comme une pause dans le temps où les rires rebondisse­nt de partout. Tu t’agaces, tu testes les limites du coach et, éventuelle­ment, plus tu approches, plus tu penses au match. Assis sur le bord de la fenêtre, tu regardes dans le vide et tu te perds dans ta tête en regardant le paysage défiler.

Ce sont des moments où tu rêves à la vie que tu désires, où tu visualises les moments glorieux que tu aimerais vivre. Tu as le sentiment d’avoir toute la vie devant toi. Tu es à l’âge où les rêves ne sont jamais assez nombreux.

Ce triste soir, sur une route perdue de la Saskatchew­an, 16 vies se sont éteintes abruptemen­t. Celles de leurs proches se sont déchirées aussi rapidement.

Pour avoir vécu récemment ce choc auquel tu ne t’attends jamais, je peux avancer avec certitude que la première pensée exprimée par tous ces gens fut : POURQUOI ? Tu as beau te poser la question 1000 fois, la frustratio­n reste la même, car aucune explicatio­n ne t’est donnée.

Ce que tu souhaites le plus au monde, c’est que Dieu te parle à travers les nuages pour t’expliquer les grands « pourquoi » de la vie… mais non. Le silence règne dans ta tête. Le son de tes pleurs est insupporta­ble pour tes oreilles, car elles en ressentent la tristesse. Même si les larmes qui coulent sur tes joues sont chaudes, ton corps ressent un immense frisson glacial.

Ton instinct de survie cherche immédiatem­ent quelque chose de positif à quoi t’accrocher. L’amour que tu reçois devient une sorte de bouée de sauvetage qui t’empêche de te noyer dans ta peine. Chaque fois que tu penses couler, une nouvelle vague d’amour te sort la tête de l’eau.

UN APPRENTISS­AGE

Ces grandes tragédies nous unissent. Avec le temps, elles nous font réfléchir. Tout à coup, on voit la vie différemme­nt, nos valeurs changent et on en tire des leçons.

On reconstrui­t nos vies un peu comme on réapprend à marcher après un accident. Malgré la douleur persistant­e, on est fier d’avoir surmonté cette dure épreuve.

Le « pourquoi » nous hantera toujours. On vit à une époque où on peut répondre à toutes les questions en quelques clics. Pourtant, celle-ci demeure sans réponse. La vie est un long examen spirituel. Les bonnes réponses nous viennent seulement à la fin. Du moins, je l’espère. On nous doit bien ça.

Ce triste soir, sur une route perdue de la Saskatchew­an, 16 vies se sont éteintes abruptemen­t.

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