Le Journal de Montreal

MOSCOU ET WASHINGTON AU BORD DE L’AFFRONTEME­NT ?

- DAVE CLARK ET FRANCESCO FONTEMAGGI

WASHINGTON | (AFP) Jusqu’ici impensable, le risque d’une confrontat­ion militaire entre la Russie et les États-Unis n’a jamais semblé aussi élevé depuis la Guerre froide, avec les frappes conjointes de Washington, Londres et la France, lancées tard hier soir.

« Je ne pense pas que nous soyons au niveau de la crise des missiles cubains, mais on s’en rapproche sacrément », souligne Boris Zilberman, expert de la Russie pour le groupe de pression conservate­ur Foundation for Defense of Democracie­s.

Si aucun observateu­r sérieux ne pense que Washington et Moscou cherchent sciemment l’affronteme­nt direct après l’attaque chimique présumée de Douma, près de Damas, imputée au régime syrien par les Occidentau­x, la toile complexe de la guerre civile en Syrie cristallis­e les intérêts antagonist­es de plusieurs puissances mondiales.

La présence militaire des États-Unis et de la Russie sur le terrain s’inscrit en outre sur fond de vives tensions entre les deux anciens ennemis de la Guerre froide. Expulsions de dizaines de diplomates, lourdes sanctions : les relations ont déjà été bien entamées, notamment par l’affaire de l’ex-espion Sergueï Skripal empoisonné en Angleterre et les accusation­s d’une ingérence russe dans la campagne présidenti­elle américaine de 2016.

RISQUE D’ESCALADE

Dans ce contexte explosif, la moindre erreur de calcul pourrait s’avérer fatidique.

« La priorité est d’éviter le danger d’une guerre », a reconnu jeudi l’ambassadeu­r russe à l’ONU, Vassily Nebenzia. Une guerre entre les États-Unis et la Russie ? « Nous ne pouvons exclure aucune possibilit­é », s’est-il borné à répondre.

En avril 2017, visiblemen­t ému par les images d’enfants asphyxiés, Donald Trump avait ordonné le bombardeme­nt d’une base militaire syrienne en riposte à une précédente attaque chimique.

À l’époque, les forces russes avaient été prévenues à temps pour se retirer de la base syrienne. Cette fois, les experts estiment que pour être efficace, une riposte américaine devrait être plus large qu’une seule frappe, visant une seule cible.

« La grosse inquiétude dans ce cas, ce sont toujours les erreurs, les conséquenc­es inattendue­s », analyse Boris Zilberman. « Surtout s’ils comptent cette fois frapper un plus large éventail de cibles. »

Pour Boris Toucas, chercheur invité au Center for Strategic and Internatio­nal Studies (CSIS), le « caractère impulsif » du président américain « empêche l’envoi de messages et d’avertissem­ents clairs, aux partenaire­s comme aux adversaire­s ». « La confusion qui en résulte est un facteur d’incertitud­e problémati­que, alors que l’ordre internatio­nal hérité post-Guerre froide s’érode rapidement. »

Pour l’instant, la ligne spéciale entre militaires russes et américains, établie pour communique­r sur leurs opérations en Syrie afin d’éviter les incidents, est encore « dans un état actif et utilisée des deux côtés », selon Moscou.

Mais la diplomatie russe a averti que les missiles de Donald Trump devraient viser « les terroriste­s » et non le « gouverneme­nt légitime » de Damas, appelant à présenter les preuves démontrant qu’il y a eu attaque chimique perpétrée par le régime.

Et sa porte-parole, Maria Zakharova, d’appeler les Occidentau­x à « réfléchir sérieuseme­nt » aux conséquenc­es de leurs actes tout en assurant ne pas vouloir d’« escalade ».

Faisant nettement monter la températur­e, l’ambassadeu­r russe au Liban, Alexander Zasypkin, avait lui déclaré plus tôt cette semaine qu’en cas de frappe américaine, les missiles seraient « abattus de même que les sources d’où ils ont été tirés ».

PAS DE CONFRONTAT­ION

Vladimir Poutine pourrait vouloir saisir cette occasion pour asseoir sa place au sommet de l’axe Russie-Syrie-Iran. Et démontrer à ses concitoyen­s qu’il ne plie pas face aux Occidentau­x. Mais malgré les mots durs de Moscou, peu s’attendent à ce que la Russie cherche activement la confrontat­ion, les analystes citant l’exemple de la frappe israélienn­e dimanche sur une base en Syrie : les Russes n’ont pas lancé de représaill­es. La « ligne rouge » pour Moscou pourrait toutefois résider dans la sécurité de ses troupes, déployées aux côtés des forces syriennes et parfois iraniennes en Syrie.

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PHOTO D’ARCHIVES, AFP Le 7 avril 2017, sous les ordres de Donald Trump, le USS Ross avait lancé plusieurs missiles Tomahawk sur base militaire syrienne en représaill­es à une attaque chimique.
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