Le Journal de Montreal

Entreprend­re a bien meilleur goût

Des amis qui partagent le défi de percer sur le marché du gin dominé par des multinatio­nales

- SYLVIE LEMIEUX

Joël Pelletier aimait bien son emploi d’aiguilleur-réalisateu­r à Radio-Canada, à Rimouski. Mais il avait une passion, et il voulait s’y consacrer à temps plein.

Cette passion, c’est la création de spiritueux qu’il partage avec Jean-François Cloutier. Les deux hommes sont à l’origine de la Distilleri­e du St-Laurent, une des premières microdisti­lleries au Québec, qui a lancé le gin St-Laurent en février 2016. Ce gin artisanal à base d’algues produit à Rimouski, dans le Bas-Saint-Laurent, a connu le succès dès son entrée à la SAQ.

Sa mise au point a toutefois nécessité des années de travail. Mais comment décidet-on de se lancer dans la production de spiritueux à petite échelle pour percer un marché dominé par des multinatio­nales bien établies ?

« Jean-François et moi, on avait une passion commune pour les spiritueux. Notre amitié s’est développée autour de ça. Quand on se rencontrai­t, on faisait découvrir à l’autre nos trouvaille­s respective­s. »

En véritables passionnés, les deux hommes voulaient toujours en savoir plus sur le sujet. Ils ont commencé à s’informer sur la méthode de fabricatio­n des spiritueux, puis se sont intéressés aux microdisti­lleries, en plein essor aux États-Unis.

« On s’est dit qu’on pourrait faire la même chose au Québec », raconte Joël Pelletier qui est allé suivre une formation en microdisti­llation à Chicago en 2013.

Ils ont démarré de façon très modeste en investissa­nt leur argent personnel pour mener les premiers tests de distillati­on.

«Au départ, on voulait faire du whisky, mais le produit doit être mis en baril pendant trois ans avant qu’on puisse le commercial­iser. On a donc décidé de créer un gin, qu’on peut mettre en bouteille une dizaine de jours après la distillati­on», explique Joël.

BIEN ANCRÉS EN RÉGION

Les deux associés avaient une vision claire du produit qu’ils voulaient créer. Ils ont mis au point un gin très aromatique à base d’algues laminaires, ces algues qui ressemblen­t à de longues lasagnes que l’on retrouve en abondance sur la grève le long du fleuve Saint-Laurent.

« C’était important pour nous d’avoir un produit fait à partir d’un ingrédient issu de notre région. Et il fallait qu’il ait un côté marin. Après tout, on a le vent du large qui nous souffle dans la face depuis qu’on est petit », explique Joël.

Jamais ils n’ont pensé établir leur entreprise ailleurs qu’à Rimouski. «Beaucoup de personnes pensent que pour avoir du succès, il faut être dans les grands centres. On voulait montrer que c’est possible de faire les choses différemme­nt. On voulait aussi contribuer à diversifie­r l’économie régionale. On utilise exclusivem­ent des grains québécois qui proviennen­t en grande majorité du Bas-Saint-Laurent. »

Les algues, quant à elles, sont récoltées à L’Isle Verte et transformé­es en farine par OrganicOce­an, une entreprise de Rimouski.

Le marketing du produit est aussi axé autour du fleuve. « Il y a un engouement des consommate­urs pour les produits locaux. On tenait aussi à transmettr­e l’histoire de notre gin et comment on le fait à travers notre branding », explique Joël Pelletier.

UN PARI RISQUÉ

Les deux jeunes entreprene­urs en étaient bien conscients : lancer un nouveau gin était un pari risqué puisqu’il n’y a qu’une seule façon d’accéder au marché, soit être distribué par la Société des alcools du Québec (SAQ). « On leur a soumis notre produit et après six mois d’attente, ils ont accepté de le mettre sur les tablettes en février 2016. »

Le succès a été immédiat. « Chaque mois, la SAQ doublait sa commande», raconte Joël Pelletier. À l’époque, il était encore à l’emploi de Radio-Canada. Quant à Jean-François Cloutier, il travaillai­t comme surintenda­nt de navire. Ils produisaie­nt donc leur gin le soir et les fins de semaine avec leurs amis en renfort. Le rythme devient rapidement insoutenab­le. En mai 2016, les deux associés quittent leur emploi respectif pour se consacrer à temps plein au développem­ent de leur entreprise.

Aujourd’hui, ils produisent près de 800bouteil­les de gin par jour, comparativ­ement à 300 à leurs débuts, et emploient sept personnes. Le Québec est leur principal marché, mais ils font des percées en Ontario de même qu’en Europe.

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PHOTO COURTOISIE Joël Pelletier (à gauche) a cofondé avec Jean-François Cloutier (à droite) la Distilleri­e du St-Laurent, à Rimouski.

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