Il y a une limite à la transparence
Marc Bergevin et Pierre Dorion ne semblent pas partager la même définition du mot transparence. Même si Bergevin s’est dit réceptif à l’idée d’être plus ouvert à l’avenir, lors de son bilan de saison cette semaine, on a compris qu’il se gardera toujours une gêne. Quant à Dorion, il a été direct dans ses commentaires au sujet de Guy Boucher lorsqu’il a procédé au résumé de la saison des Sénateurs, il y a deux jours. C’était de la dynamite !
En plus de faire savoir qu’il se donnerait encore quelques semaines pour décider du statut de son entraîneur en vue de la prochaine saison, Dorion a déclaré que Boucher devrait modifier son approche dans certains aspects de son travail s’il le maintenait à son poste. Ça fesse ! Dorion exigerait que Boucher accorde plus de temps de jeu aux jeunes joueurs. C’est légitime, surtout lorsque ça s’adresse à un entraîneur dont l’équipe bâtit en fonction des années à venir.
« PROJETÉ SOUS L’AUTOBUS »
Le problème est qu’un entraîneur n’est pas toujours au diapason de son directeur général sur cette question. Sa sécurité d’emploi repose essentiellement sur la victoire, et quand une équipe ne gagne pas, on sait qui écope le premier. Le congédiement d’Alain Vigneault par les Rangers en est une preuve.
Or, Dorion en a rajouté sur Boucher. Il a gardé le pot pour la fin quand il a affirmé en avoir marre d’entendre son entraîneur dire que le repos est une arme.
« Si j’entends ça une autre fois, je vais virer fou », a-t-il vociféré.
Pour utiliser une expression anglaise, Dorion a « projeté son entraîneur sous l’autobus ».
LIEN BRISÉ
Dorion a eu beau avoir vanté ses compétences avant et après ses déclarations, on peut penser que la confiance que Boucher avait pour lui s’est envolée en fumée.
Il a transgressé une règle que les directeurs généraux et les entraîneurs respectent sans réserve lorsqu’ils parlent de leurs joueurs sur la place publique. Personne ne souhaite se faire écorcher au vu et au su de tout le monde.
Boucher sait ce qu’on dira sur son compte si Dorion lui réitère sa confiance. On avancera qu’il vit sur du temps emprunté.
DE LA RÉGIE INTERNE
De mémoire, c’est la première fois que j’entends un directeur général de la Ligue nationale de hockey parler de son entraîneur comme Dorion l’a fait avec Boucher. C’est le genre de chose que les dirigeants identifient généralement comme de la régie interne.
Bergevin n’a sûrement pas toujours été sur la même longueur d’onde avec Michel Therrien. Il y a sans doute eu des discussions musclées entre lui et Claude Julien au cours de la dernière saison. C’est ce qu’on appelle le choc des idées. Ça arrive dans tout type d’entreprise.
Mais règle générale, un directeur général et son entraîneur feront toujours montre de solidarité en public. Julien ne dira jamais que Bergevin lui a donné une mauvaise équipe cette année. Comme celui-ci ne fera jamais de déclarations qui feraient mal paraître son entraîneur.
SOUS SURVEILLANCE
Il en va de même pour les relations entre un propriétaire et son directeur général, bien que l’on voie depuis un certain temps que Geoff Molson et Bergevin ne tiennent pas le même langage sur les gestes à poser pour redresser le Canadien.
Le président et chef d’entreprise de l’organisation du Tricolore est passé en mode attaque. Il voit bien que l’image du Canadien en a pris tout un coup. L’indifférence s’est installée et il n’y a rien de plus dangereux.
Lorsque Bergevin reconnaît que son équipe n’a jamais été dans le coup au cours de la dernière saison, c’est dire à quel point les problèmes sont profonds. Bien des amateurs réclamaient qu’il soit mis à la porte. Son patron l’a gracié, mais il sait très bien qu’il est sous haute surveillance.